Comment bien mourir ? L’écrivain Céline propose l’exemple de sa chienne Bessy qui s’est éteinte sans faire de bruit. La prescription convient à Marie.
Par Marie H.
Au cours de son roman D’un Château l’Autre, Céline raconte la mort de sa chienne Bessy. Dans la forêt de Korsør où les soldats de l’armée allemande en déroute l’avaient abandonnée, elle était redevenue sauvage, chassant pour se nourrir. A force de patience, Céline avait réussi à l’apprivoiser. Régulièrement, elle fuguait des jours entiers dans les halliers de la grande forêt danoise. Son maître la laissait faire, comprenant son besoin de liberté. A la fin de son exil danois Céline l’avait ramenée à Meudon où elle s’ennuyait.
Les bois de Meudon ne lui offraient pas les mêmes possibilités de fugues, ni de chasses. La belle chienne s’est résignée puis elle a décliné et succombé à un cancer ; je laisse parler Céline : « … elle a commencé à râler. C’était la fin. On me l’avait dit, je ne le croyais pas… mais c’était vrai, elle était dans le sens du souvenir d’où elle était venue, du Nord, du Danemark, le museau au nord… elle est morte sur deux, trois petits râles… oh très discrets … et en position vraiment très belle, comme en plein élan, en fugue, mais sur le côté, abattue, finie… Oh, j’ai vu bien des agonies, ici, là, partout, mais de loin, pas si belles, discrètes… fidèles ».
Dans ce récit, nous voyons poindre le côté déchiré de Céline, le réprouvé, ne trouvant de réconfort que dans la compagnie des bêtes qui, elles, sont sincères, naturelles, ignorant tout de la comédie et des vanités humaines. Céline a connu l’humiliation, le mépris, la prison. Le « tralala » qu’il déplore chez l’humain satisfait de lui-même, il a dû l’abandonner pour survivre.
Céline qui est un grand écrivain, d’autres, plus qualifiés que moi, l’ont jugé coupable et jeté, pour le moment, dans les poubelles de l’histoire. C’était un médecin qui ne pouvait pas voir souffrir ses malades sans leur proposer ses fameux 2cc de calmant, une compassion qui l’honore. Il est mort par un matin d’été, sans plus de plainte que sa chienne. Il venait juste de terminer le dernier roman de sa célèbre trilogie : D’un château l’autre, Nord et Rigodon.



