Le Conseil national autoproclamé de la vieillesse a organisé un contre-salon à Bordeaux en octobre dernier. Plus de 4000 personnes sont venues débattre avec les vieilles et les vieux engagés dans le mouvement « rien pour les vieux sans les vieux ». Emmanuèle y était.
Par Emmanuèle Jeandet.
Beaucoup de sujets ont été abordés durant les trois journées du contre-salon organisé à Bordeaux par le Conseil national autoproclamé de la vieillesse (CNaV).
Les vieilles et les vieux cherchent à préparer leur logement du futur, tout en préservant leur liberté de choisir ce qui leur convient le mieux en partageant avec d’autres les plaisirs mais aussi les contraintes de ce moment de transition. Vers quels types d’habitats coopératifs ou solidaires se tourner ? Le sujet a été largement abordé lors d’une plénière dès le premier jour, durant un atelier le deuxième jour.
De nombreux échanges se sont aussi orientés sur le corps des vieilles et des vieux, sur la précarité, l’isolement et la fin de vie. Comment parler de la mort et l’apprivoiser ? La question devrait se poser tout au long de la vie. Pas seulement à son terme.
Trois problématiques ont particulièrement mobilisé les esprits, pendant ces journées : l’un plutôt économique, sur le financement de nos vieux jours intitulé : « Qui pour payer la grande dépendance ? » ; le second plus politique, sur la préparation des élections municipales du printemps prochain et la rédaction d’un plaidoyer concernant les vieux ; le dernier, au programme de la séance plénière d’avant la clôture du contre-salon, avait un titre provocateur : « le CNaV veut-il la mort des Ehpad ? »
Qui va payer la facture ?
Inutile de rappeler le nombre important de vieux et vieilles issus de la génération, dite aujourd’hui un peu méchamment des « boomers » : ces enfants nés après la Seconde Guerre mondiale et qui ont vécu une immense transformation de notre société, ont connu le plein emploi, le développement économique, la démocratie politique, et les libertés sous tous les angles…
Nombre d’entre eux bénéficient de retraites confortables, et ont souvent réussi à se constituer un patrimoine. Abordant aujourd’hui la dernière partie de leur vie, ils sont inquiets par la perspective de leur perte d’autonomie. Qui financera leur dépendance ? Les débats s’ouvrent avec passion.
Bien sûr, en ces temps de tensions sur le budget de l’État, la dette publique, les incertitudes internationales, les guerres et le bouleversement climatique, il y a de quoi hésiter à investir des milliards pour financer de l’aide pour la fin de la vie des plus âgés d’entre nous. Ces boomers qui ont déjà tout eu, qui sont riches – plus ou moins, mais quand même ! -, face aux jeunes qui ne trouvent ni logement ni emploi, méritent-ils que la collectivité paie encore pour eux ? Ne serait-il pas temps d’orienter la réflexion sur une remise en question de la retraite et de la santé qui pourraient devenir l’affaire de chacun comme dans d’autre pays ? Il est ressorti des débats qu’en France, nous restons attachés à une protection solidaire et collective, héritage du Conseil de la Résistance en 1945. Attachés aussi au service public, même si celui-ci est ébranlé à bien des égards. L’idée d’être livrés à des Ehpad privés, à des services à domicile privés et à des assurances individuelles, dont l’objectif principal serait la rémunération des actionnaires plutôt que le service rendu, agit comme un repoussoir. Les échanges sur ces sujets ont été des plus animés.
Les animatrices de l’atelier ont suggéré le principe d’une solidarité collective entre les vieux eux-mêmes, ce qui dégagerait ainsi les jeunes de cette charge, mais conserverait la dimension de mutualisation collective entre les vieux plus aisés et ceux qui le sont moins pour financer leurs besoins liés au grand âge[1].
A méditer !
Eléctions municipales : le CNaV doit il montrer le bout de son nez ?
Le CNaV n’est pas partisan et ne veut pas servir d’alibi à des promesses de candidats aux élections qui ne trouveraient pas de traductions concrètes.
Cependant, le CNaV aimerait faire passer sa philosophie : rien pour les vieux sans les vieux !
Au niveau municipal, cela signifie que les vieux veulent exister dans leur commune, participer à tous les débats, à l’élaboration de tous les projets. Ils ne veulent pas être cantonnés aux colis de Noël et aux thés dansants. Ils veulent partager les discussions sur l’urbanisme, sur la réalisation des établissements pour personnes âgées et l’organisation des services à domicile, ils veulent un accès aux soins, aux transports, aux activités culturelles ! L’atelier sur ce sujet a apporté toutes sortes d’idées pour rebrousser un peu le poil des élus en explorant les pistes permettant aux vieilles et aux vieux citoyens de trouver leur place.
EHPAD or not EHPAD ?
La présentation en séance plénière a commencé par un rappel : à deux reprises, en 2024 puis en 2025, sur les territoires où des groupes locaux du CNaV se sont mobilisés pour animer des débats sur les Ehpad, il est ressorti dans les prises de paroles des personnes présentes qu’une majorité ne souhaite pas vivre dans un Ehpad. Les échanges durant cette plénière ont confirmé ce souhait. La deuxième journée a permis d’avancer vers des solutions qui compenseraient la perte éventuelle d’autonomie liée au grand âge : créer des unités petites, regroupées en cœur de ville ou de village, dans lesquelles il serait possible de conserver un chez soi, de maintenir des liens sociaux et de stabiliser des professionnels soutenant l’autonomie de chacun etc.
Les discussions en plénière ont permis de consolider des perspectives où la solidarité prendrait le pas sur la discrimination et l’argent.
Après trois jours riche et passionnant, le contre-salon a fermé ses portes, j’ai pris le train du retour en dégustant un dernier cannelé avec déjà un peu de nostalgie !
Mais sachez que le CNaV prépare un nouveau contre-salon pour 2027 …
[1]Voir le livre de Véronique Fournier l’argent et les vieux. Michalon 2025



