Pour beaucoup de parents la géolocalisation de leurs enfants s’impose comme un nouveau geste éducatif. Claudie, curieuse aînée mais pédagogue et formatrice auprès des assistantes maternelles à la retraite, n’est pas d’accord. 

Par Claudie Perrot 

L’utilisation d’outils numériques de géolocalisation explose, y compris au sein des familles. En 2022, 41 % des parents ont déclaré se servir d’applications et de traceurs dissimulables dans un cartable ou une chaussure d’enfant pour géolocaliser leurs enfants. Que penser de cet usage qui se répand ? 
Qu’on soit pour ou contre, il est indispensable que l’intéressé, en l’occurrence l’enfant, ait consenti à cette surveillance et qu’il ait bien compris les modalités de son application. Dans quel contexte la géolocalisation s’opérera et dans quel but ? Si la loi autorise l’utilisation des traceurs GPS pour les enfants mineurs, certaines dispositions existent pour ne pas violer leur vie privée. Par exemple, si un dispositif est utilisé pendant le temps passé avec l’autre parent sans l’en informer, cela constitue une violation de la vie privée. Des sanctions peuvent être appliquées.

Cet usage force à se demander pourquoi les parents veulent-ils à tout prix restés connectés à leurs enfants ?Quand on est responsable d’un enfant, il est normal d’éprouver des craintes à son sujet : les enfants sont des êtres vulnérables car ni complètement indépendants ni autonomes. Cependant, certains parents sont plus angoissés que d’autres, ce que l’hypermédiatisation des certains faits divers ne fait qu’aggraver.  D’ailleurs, le directeur de l’Observatoire de la Parentalité l’a bien perçu : « Nous n’avons jamais rencontré autant de familles, quel que soit le milieu social, qui ont un niveau d’angoisse aussi prononcé ». Ce serait donc pour apaiser leur peur que les parents se tournent vers ces nouvelles technologies. Selon moi, cela revient à demander à leur enfant de prendre en charge leur anxiété ! Le numérique devenant alors un « bouclier virtuel » pour calmer leurs angoisses. 
Par ailleurs, le message adressé à l’enfant géolocalisé n’est pas propice à son épanouissement. En cherchant à le géolocaliser ses parents ne lui laissent-ils pas entendre que le monde est dangereux et nuisible ?  Comment dès lors engager dans la vie future des relations saines et riches avec autrui, si ce dernier est d’emblée perçu comme un danger plutôt qu’un recours possible ?
Et les adolescents géolocalisés, que pensent-ils de ces dispositifs de surveillance ? Si l’on en croit leurs avis recueillis par différents médias, savoir que leurs parents ne les perdent pas de vue les rassure. Certains affirment même que cette surveillance leur parait juste et normal et qu’il n’y aurait pas à en débattre. Il est vrai que les mentalités changent : ces jeunes-là sont nés avec les outils numériques qu’ils utilisent eux aussi pour se géolocaliser, trouver leur chemin et retrouver leurs copains. C’est ancré dans leur culture.
Pour d’autres en revanche, la géolocalisation est vécue comme un manque de confiance, une entrave à leur liberté et une manière de les maintenir dans l’infantilisation. Ils n’ont pas tort ! 
Pour les laisser grandir, il faudrait leur laisser un espace d’émancipation. C’est essentiel. C’est en expérimentant qu’on apprend. L’adolescence est le moment où l’on construit son monde, où l’on mène ses propres expériences, où l’on commet des erreurs, des bêtises, des mensonges. Ce qui permet d’acquérir plus d’autonomie et de débrouillardise. Il est important alors de jouir d’espaces sans les parents, de cultiver son jardin secret en dehors du regard parental.
Mais cet usage des GPS, n’est-ce pas aussi une simplification du rôle de parent ? Il est en effet plus facile de faire appel à cette technologie plutôt que d’avoir des discussions, parfois difficiles, avec son ado sur des sujets très préoccupants comme l’alcool, la drogue ou le sexe.
Plutôt que de confier la sécurité ou l’autonomie des enfants et des jeunes à ces machines sophistiquées, mieux vaudrait les aider à développer leurs propres compétences. Ce cordon ombilical virtuel ne se substituera jamais à un accompagnement éducatif de qualité qui leur permettra d’être les véritables acteurs de leur vie.