La série télévisée Kaboul, diffusée sur la plateforme de France.TV, qui met en scène la prise de Kaboul par les talibans et le départ des Américains et de leurs alliés en 2021 est l’occasion de ne pas oublier le tragique destin des Afghans et surtout des Afghanes.
Par Emmanuèle Jeandet.
La chute de Kaboul racontée dans une série diffusée sur la plateforme de France.TV replonge les téléspectateurs dans ce moment désastreux, qui vit en quelques heures la prise la capitale afghane par les talibans et, par là-même, leur victoire en Afghanistan, la débandade des Américains et de leurs alliés et l’abandon des Afghans qui les avaient soutenus.
La série intègre les images qui tournaient en boucle à l’époque, de foules désespérées agglutinées dans et autour de l’aéroport dans l’espoir de profiter de l’évacuation par les forces américaines. Et décrit en situation réelle la débandade du 15 août 2021.
Les talibans sont entrés dans Kaboul, ils avancent inexorablement. Le gouvernement afghan, soutenu par les Américains s’est volatilisé, des combattants de Daech (organisation terroriste politico-militaire, d’idéologie salafiste djihadistes) errent dans la ville, les talibans les pourchassent pour mieux assurer leur pouvoir. La population se terre.
Les gens de la CIA, les militaires américains et européens activent leur départ.
Un consul italien cherche avec l’énergie du désespoir à assurer l’évacuation d’Afghans qui étaient engagés du côté des alliés, et protège un jeune garçon afghan ayant perdu ses parents.
Un groupe de militaires allemands dissidents se donnent pour mission de sauver un général afghan qui les avait aidés avant cet assaut final.
Une jeune médecin afghane, abandonnant le métier auquel elle se préparait avec passion et son fiancé, s’enfuit à pied pour rejoindre l’aéroport accompagnée d’une petite fille orpheline qu’elle avait en charge à l’hôpital et qu’elle ne veut pas laisser derrière elle.
Ses parents, qui espèrent trouver une place dans les bagages diplomatiques des Français pour quitter Kaboul, guettent vainement leur fille dans le chaos de l’aéroport et finiront séparés les uns des autres.
Un officier français, déchiré par la situation, essaie à tout prix faire monter dans les rares avions alliés qui décollent de Kaboul, des Afghans fidèles mais ne parvient pas à les sauver tous…
A part les rues sombres et tortueuses de Kaboul ou les plaines désertiques des environs, les scènes sont essentiellement situées à l’aéroport, unité de lieu de cette tragédie qui en quelques heures va sceller le sort de tant de personnes entraînées dans un conflit dont elles n’ont pas compris le sens et qui va les dévorer.
Peut-être faut-il rappeler brièvement l’histoire de l’Afghanistan au XXe siècle pour éclairer l’effondrement dont on parle ici.
L’Afghanistan, est un pays essentiellement rural ; la population très pauvre n’a pas reçu d’éducation, le territoire est divisé en d’innombrables puissances féodales, souvent en lutte les unes avec les autres. Dans le courant du XXe siècle (les années 60-70), il est influencé progressivement, notamment dans les villes, par les mouvements d’émancipation et de décolonisation de l’après-guerre. L’URSS profite de cette évolution et devient le soutien le plus important du régime d’alors ; la situation des femmes, jusque-là enfermées et mariées de force sous l’influence des pratiquants de l’Islam, se transforme petit à petit dans les villes mais pas vraiment dans les campagnes.
C’est dans une période troublée et dans le contexte de la guerre froide que se déclenche la guerre soviéto-afghane, qui durera 10 ans de 1979 à 1989, et qui opposera les communistes afghans aux Moudjahidins (guerriers) islamistes et anti-communistes, soutenus notamment par les Etats-Unis. Ce conflit épuisera l’URSS qui se retirera à la veille de la dissolution du bloc de l’Est, après la chute du mur de Berlin, en 1989.
Une douzaine d’années plus tard, fin 2001, une deuxième guerre en Afghanistan est déclarée à l’initiative des Etats-Unis avec l’objectif de lutter contre le terrorisme islamique, une croisade lancée par les Américains avec l’appui des alliés occidentaux à la suite de l’attentat du 11 septembre 2001. Elle durera 20 ans, les USA et les forces alliées enverront jusqu’à plus de 150 000 soldats, tenteront de chasser les talibans, et soutiendront un régime contesté, celui d’Hamid Karzaï, dont la réalité du pouvoir est faible, limité essentiellement à Kaboul, le reste du territoire étant majoritairement aux mains des talibans. Cette guerre ruineuse en hommes, en dollars et en image pour les USA, s’arrêtera en août 2021 sur décision de Joe Biden, illustrée par la débâcle dont se fait l’écho la série « Kaboul ».
Comment un pays peut-il se relever de deux guerres successives se soldant par une même issue catastrophique ?
Comment peut-il se développer socialement et économiquement, alors qu’il n’a vécu qu’à travers des divisions sanglantes ?
Quelles sont les responsabilités des grandes puissances – USA et URSS – qui se sont affrontées sur le sol afghan pendant la guerre froide puis des Etats-Unis, lors ces vingt dernières années ?
Féodalité clanique, guerre sainte de l’Islam, interventions étrangères, tout a été réuni pour annihiler la moindre tentative de transformation interne, susceptible de donner de quoi vivre et un peu d’espoir à la population afghane.
Aujourd’hui, on ne parle plus de l’Afghanistan… les Américains ont tourné la page de cette désastreuse opération, avec un Donald Trump décidé de se replier sur leur sol.
La Russie s’est tournée vers sa frontière de l’Ouest et a engagé une guerre avec l’Ukraine dont nul ne sait jusqu’où elle ira.
Le Moyen Orient est de nouveau secoué par le conflit israélo-palestinien et son cortège d’atrocités…
Les femmes afghanes sont de nouveau invisibilisées et réduites au silence ; les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école, les femmes ne peuvent ni sortir, ni même parler ou chanter chez elles de peur que les voisins ne les entendent ! Le pouvoir est totalement aux mains des hommes, ainsi que toute activité : la vie est aux hommes, la rue est aux hommes, les femmes n’ont plus le moindre droit !
Bien sûr, nous sommes effarés, accablés mais que pouvons-nous faire ? Une nouvelle guerre pour les femmes ? Comment exprimer notre révolte face au sort qui leur est fait ? Comment exprimer notre solidarité ? Nous pourrions au moins ne pas les oublier…