Stupeur et tremblement : cette maladie rare et ancienne, due à une carence en vitamine C, réapparaît en France. Elle a notamment été identifiée chez des enfants hospitalisés.
Par Michelle Fourre
Selon une étude publiée dans la revue médicale anglaise, The Lancet Regional hearth – Europe, le scorbut revient en France. C’est une équipe de chercheurs, pédiatres et médecins du CHU Robert Debré à Paris qui l’a mesuré : sur une période de dix ans, 888 mineurs présentant une carence en vitamine C, ont dû être hospitalisés pour cause de scorbut. Depuis la pandémie du Covid-19, l’augmentation du nombre de cas a atteint 34%.
L’information a été reprise dans toute la presse écrite française – le Monde, Libération, L’Express. Preuve qu’elle n’a pas ému que moi !
Oui, émue, je l’ai été. En lisant ces articles, j’ai dû réviser ce que je croyais savoir sur cette maladie. Qu’elle n’aurait sévi que lors des grandes expéditions maritimes entre le XVIe et XVIIIe siècle, sur les bateaux de Vasco de Gama, Fernand de Magellan, James Cook… Et qu’elle avait été éradiquée depuis longtemps, au moins dans les pays développés.
Car le scorbut est une maladie causée par une carence profonde et durable en vitamine C. Le corps humain n’étant pas capable de synthétiser la vitamine C de lui-même, un apport alimentaire riche en vitamine C doit lui être fourni. Or, les aliments recelant cette précieuse vitamine sont aujourd’hui facilement accessibles : les agrumes (oranges et citrons), le kiwi, les pommes de terre, les épinards, les fraises, le cassis, le poivron rouge et vert, le radis noir cru, le chou, les brocolis. Un début de scorbut peut rapidement être enrayé avec un apport régulier de jus de citron ou d’orange.
En revanche, si elle n’est pas soignée, cette maladie peut être responsable de douleurs osseuses intenses, d’une faiblesse musculaire invalidante, d’hémorragies et d’une altération de l’état général pouvant conduire au décès.
Comment expliquer la réémergence du scorbut et son évolution rapide depuis la pandémie du Covid-19 ?
L’augmentation du coût de la vie de plus de 15 % depuis 2020 a eu une incidence importante sur le budget des familles les plus précaires. Les enfants atteints de scorbut présentaient tous, selon l’étude, des signes de malnutrition sévère. Il est vrai que manger cinq fruits et légumes par jour peut se révéler un objectif difficile à atteindre…ainsi que choisir des aliments locaux et de saisons, plus riches en vitamines C.
Mais au-delà de la précarité financière, les habitudes alimentaires des familles sont également à prendre en considération. L’étude a révélé qu’un nombre important de jeunes enfants (5 à 6 ans) ne se nourrissaient que de pâtes et de crèmes au chocolat, par exemple et aussi que les adolescents avaient tendance à favoriser une alimentation « à la mode », en consommant beaucoup trop de produits ultra-transformés ne présentant que très peu de vitamines C. Elle a montré également que beaucoup de jeunes ne s’alimentaient pas régulièrement, l’alimentation n’étant pas prioritaires dans leurs dépenses nécessaires, voire obligatoires comme les livres nécessaires à leurs études, par exemple.
Tous ces constats sont alarmants et restent cependant incomplets, car ils n’ont été effectués que sur des mineurs de moins 18 ans hospitalisés. Combien d’autres enfants non-hospitalisés, souffrent de déficit en vitamine C ?
Et combien d’adultes ? Différentes études menées en France par d’autres médecins et chercheurs ont en effet mis en évidence que le scorbut sévissait également chez certains adultes.
Les populations présentant le plus de risques de souffrir de malnutrition et de développer une carence en vitamine C sont les suivantes :
– les personnes âgées isolées et sans soins qui ont une alimentation parfois très succincte faite uniquement de thé et pain grillé…
– des personnes alcooliques, tabagiques chroniques et isolées
– les Sans Domicile Fixe
– les personnes présentant des troubles du comportement alimentaires tels que l’anorexie ou la boulimie
– celles souffrant de troubles psychiatriques…
Pour l’ensemble de ces publics (enfants et adultes), le maillage médical, médico-social, associatif, et éducatif devrait pouvoir identifier les situations de mal-être existantes.
La nécessité d’inclure le scorbut et ses conséquences dans les programmes de formation des professions médicales, paramédicales, enseignantes et éducatives, mais également associatives et sportives…parait indispensable.
Et il paraît urgent que l’État, les Régions, les Départements, les Métropoles, les Collectivités territoriales prennent en compte la résurgence de cette maladie ancienne, qui risque de se répandre encore, en mutualisant le travail de prévention.
Travailler ensemble de façon coordonnées et structurées pourrait permettre d’avancer rapidement…