Avec l’élection d’un nouveau Pape, beaucoup se sont posés la question de leur lien à la religion catholique. Au sein de la résidence Trianon de Rouen, de nombreux résidents s’en sont éloignés. Ils s’en sont expliqués. 

Revue de presse à la résidence autonomie du Trianon à Rouen. 
Étaient présents : Annick, Christine, Daniel, Jean, Marie-Claude, Monique, Odette, Odile, Pierre, Sabine, Thierry, Viviane et Helena, animatrice.

Marie-Claude : Je n’aime pas les religions quand elles nous entrainent loin de la réalité. 
J’ai été élevée dans la religion catholique en recevant tous les sacrements mais j’ai toujours eu l’impression que l’on me faisait miroiter un paradis qui n’existe pas. Pendant longtemps, je me suis laissée entrainée dans cet univers de rêve, j’ai suivi les fêtes et les cérémonies qui constituent à mon avis autant de moments d’évasion. En quoi croit-on vraiment ? Que connait-on vraiment ? Je peux dire aujourd’hui que j’ai cru en un Dieu dont finalement personne ne sait grand-chose. 
Les personnes qui m’ont le plus touchées parmi celles qui ont consacrées leur vie à Dieu sont des religieuses qui étaient aussi infirmières. Leur dévouement était remarquable et leur foi s’exprimait dans des gestes utiles et attentionnés.
Personnellement, je me suis éloignée de la religion à partir du moment où j’ai voulu prendre ma vie en main de manière plus concrète.

Christine : Mon éducation religieuse était très loin de me faire rêver : je devais aller à la messe toutes les semaines et je me confessais au même rythme sans avoir l’impression d’avoir pêché autant que cela. A 18 ans, j’ai tout arrêté.
J’ai réellement perdu la foi l’année de ma communion. Cette année-là, mon grand-père m’a tenu tout un discours sur la mort qu’il ne fallait pas craindre. Mais quelques temps plus tard, il s’est trouvé entre la vie et la mort et la frayeur qu’il en a retirée m’a marquée.   Sa croyance sur la mort, passage vers la vie éternelle, s’était évanouie. J’ai cessé de croire à ce moment-là. 

Jean : Je déteste les injonctions religieuses. Ma femme était très proche des « Enfants de Marie », une association religieuse qui accompagnait les adolescentes des classes populaires. Je l’accompagnais à l’église par solidarité avec elle mais je pratiquais sans conviction. Je ne dérangeais personne et tout le monde y trouvait son compte. Néanmoins, les membres de l’association ont insisté pour que je me fasse baptiser et que je devienne un des leurs. Ce prosélytisme m’a été insupportable. Si j’ai du mal avec la religion, « Les Enfants de Marie » y sont pour beaucoup.

Daniel : J’ai également gardé un lien avec l’Église en suivant ma femme qui était très croyante. A son décès, elle a voulu être enterrée religieusement. J’ai suivi ses volontés. Désormais, ma vie se déroule en dehors de la religion. Je ne crois plus en rien.

Odile : Ma famille était très pratiquante, mon père était même bedeau. Je me suis mariée à l’église à 28 ans et jusque-là je me suis toujours sentie proche non seulement de la religion mais de la vie de la paroisse. 
Pour mon mariage, j’avais choisi une belle tenue blanche qui n’était pas une robe de mariée classique. Ce choix original – et pas très catholique ! – a semé le doute dans l’esprit du curé. Aurais-je fauté avant le mariage ? Ses allusions très offensantes faisant fi de qui j’étais alors qu’il me connaissait bien, ont balayé toutes les années que j’avais passées au sein de la paroisse. A partir de ce jour-là, j’ai pris mes distances avec la religion.

Thierry : A une époque, j’ai été très croyant et très pratiquant, j’ai d’ailleurs fait ma communion et ma profession de foi. Je m’intéressais aux principes de l’Église à tel point que l’évangile était ma lecture favorite :  je le lisais comme un roman. Alors, quand j’ai voulu me marier et que le curé m’a demandé d’attendre un an, j’ai eu l’impression de ne pas être du tout considéré.

Pierre : Mon père était également un pratiquant convaincu. Pour autant, il été mis à l’écart de sa paroisse au moment de son divorce. Ce rejet a été une épreuve pour lui. La croyance est un domaine intime et sensible et l’Église devrait en tenir compte davantage. Un curé ne devrait jamais user de sa position sans chercher à comprendre les personnes qu’il est censé accompagner.

Odile : L’attitude des prêtres pose un vrai problème. Je pense en particulier aux comportements déplorables dont ils se rendent parfois coupables. J’ai en mémoire l’exemple du curé qui a communié mes enfants. Nous avons appris qu’il aimait beaucoup trop les jeunes garçons. Heureusement, un enfant a dénoncé ses agissements mais le curé a seulement été déplacé vers une autre paroisse ; à l’époque, c’était la seule sanction envisageable. Cela permettait « officiellement » de régler le problème sans faire de vague. Si j’ai vraiment été heurtée par cette affaire, d’autres parents de la paroisse ne voulaient pas en entendre parler et préféraient protéger l’Église. Des années plus tard, l’enfant qui a été abusé a fini par porter plainte contre le prêtre.

Daniel : L’origine de ma défiance vis à vis de l’Église remonte à mon enfance. Le prêtre qui me confessait était trop indiscret et je me suis très vite méfié de lui. Je me suis éloigné de la religion à partir de là. 

Jean : L’Église catholique n’a pas su condamner les pédophiles et les a souvent protégés. Néanmoins, l’Église ne produit pas que des curés amoraux. Certains ont l’esprit ouvert sur le monde. Quand ma fille allait au catéchisme, le curé lui a expliqué ce qu’était pour lui un vrai chrétien et il m’a cité en exemple. J’étais facteur et en tant que tel, je rendais beaucoup de services, j’étais présent au quotidien et je créais du lien. C’était élégant de sa part mais je ne me suis pas rapproché de la religion pour autant.
D’une manière générale, l’Église a perdu le contact régulier avec les gens et surtout avec les gens modestes. Avant, elle était un lieu de vie où l’on pouvait se retrouver mais c’était aussi un lieu incontournable : dans mon village, si on ne pratiquait, on ne trouvait pas de travail. 

Daniel : Aujourd’hui, la présence de la religion me semble plus superficielle ; on se marie à l’église pour faire joli, on prend de belles photos des mariés et de leurs familles. Je ne suis pas sûr que la conviction religieuse soit toujours présente.

Annick : Personnellement, j’ai été croyante d’une manière assez stricte mais je suis revenue de cette croyance trop vigoureuse. J’ai rencontré des témoins de Jéhovah et cette rencontre a provoqué une rupture pour moi. C’était trop. Maintenant, je continue à prier à ma manière, cela m’apporte une forme d’apaisement mais quand je vais à la messe je suis un peu ailleurs. J’ai du mal à être vraiment présente pendant la cérémonie.

Jean : Je me demande si les jeunes adultes qui se baptisent aujourd’hui, et dont on dit qu’ils sont de plus en plus nombreux depuis quelques années, font cette démarche pour de bonnes raisons. J’ai surtout l’impression qu’il s’agit pour ces jeunes de trouver un refuge dans un monde qui génère de plus en plus d’inquiétude.

Pierre : J’estime préférable que les gens se fassent baptiser à l’âge adulte. Au moins font-ils ce choix en conscience. J’ai toujours dit à mes enfants qu’ils pourraient s’engager dans la religion s’ils le souhaitaient quand ils seraient majeurs mais que je ne m’en occuperai pas.

Odile : Mes filles n’ont pas fait baptiser leurs enfants. Petit à petit, toute ma famille s’est éloignée de la religion.