L’actualité rappelle régulièrement combien le métier d’enseignant est devenu compliqué : enfants dissipés, parents intrusifs, programmes surchargés, Ministres de l’Éducation nationale éphémères. Thésy confronte son rêve d’enseignement qui ne s’est pas réalisé à la réalité du métier aujourd’hui.
par Thésy Bionnier
Lorsque j’étais à l’école primaire, je rêvais de devenir enseignante. « Maîtresse » comme je disais. Je jouais en permanence à l’école avec des élèves fictifs. Mais j’ai dû travailler immédiatement après mon bac et renoncer à ce rêve. Finalement, j’ai trouvé une autre voie : l’hôpital, où j’ai été heureuse et trouvé ma place.
En revanche, je ne suis pas certaine qu’aujourd’hui, j’aurais eu le même rêve. L’enseignement ne rime plus autant avec ces objectifs qui m’enthousiasmaient tellement : éduquer, former, accompagner enfants et collégiens dans leur épanouissement.
Selon le classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, (Pisa), les enseignants français peinent à accomplir leurs missions. La dernière étude Pisa portant sur l’année 2024 a révélé que la France se classait 23ème en mathématiques, 28ème en lecture, 26ème en sciences sur les 85 pays participants. Pourquoi pareils piètres résultats, sachant que la France dispense beaucoup plus d’heures pour les savoirs fondamentaux ?
Est-ce à cause des programmes qui changent trop souvent ? Il est vrai qu’en deux ans, six ministres se sont succédés à l’Education nationale, tous sans doute avec la volonté d’être performants, d’établir de nouvelles règles, de modifier les programmes et de les mettre à l’ordre du jour !
Cela proviendrait-il d’un défaut de formation des enseignants ? Le métier ayant du mal à recruter des candidats – il manquait 3000 enseignants à la rentrée 2024 – il attire de nouveaux profils d’enseignants exempts de passer un concours. Ainsi des contractuels sans formation en pédagogie, anciennes infirmières notamment, se retrouvent devant des élèves. Ou d’un nombre trop important de missions à accomplir pour un enseignant, comme par exemple celui d’accueillir des enfants souffrant d’un handicap ? Le principe de l’inclusion scolaire de tous les élèves est louable, mais les enseignants sont souvent seuls à en assumer les conséquences. Le dispositif Ulis, censé permettre un enseignement adapté à des élèves handicapés dans une structure normale, ne s’est pas suffisamment déployé. En 2023, seuls un quart des 468’000 élèves handicapés en bénéficiaient. Il faut donc imaginer la difficulté d’un enseignant qui doit faire face, seul, au problème du handicap et dans le même temps assurer le programme pour tous.
Le métier d’enseignant est devenu difficile pour les problèmes de discipline et de violence qui s’installent dans les écoles, mettant en danger les élèves, les enseignants et les professionnels de l’encadrement. Que l’on pense à l’assassinat au couteau de l’éducatrice de Nogent-sur-Marne, le 10 juin dernier. Il s’est aussi complexifié en raison des matières enseignées. Tous les enseignants sont-ils prêts à mettre en œuvre le nouveau programme d’éducation à la vie affective relationnelle et à la sexualité qui a été publié le 6 février 2024 ? Et comment parler de la Shoa, dans un contexte de montée d’antisémitisme ? Même des enseignants aguerris se retrouvent régulièrement en difficulté…
Bref, le métier d’enseignant en 2025 est bien différent de celui dont je rêvais durant mon enfance et je ne sais pas si j’aurais le courage de m’engager dans cette profession, actuellement.
Une précision cependant : la transmission de savoirs ne s’exerce pas que dans une salle de classe. Tout au long de ma vie professionnelle, j’ai saisi toutes les occasions d’enseigner. Un temps éducatrice dans un sanatorium, j’ai proposé de donner des cours aux enfants les plus malades qui n’avaient pas le droit de se rendre à l’école du sana. J’avais deux ou trois élèves par cycle de deux heures. Durant mes années de DRH, j’ai donné des cours de français pour les personnels qui n’avaient souvent que le certificat d’études et voulaient présenter le concours d’entrée à l’école d’infirmière. J’ai beaucoup admiré ces personnes, qui, parfois, travaillaient de nuit mais étaient toujours présentes au cours de 15h. Et quel plaisir d’assister à leur évolution grâce à l’acquisition d’un nouveau savoir.