Sociologues et spécialistes du marketing ont décidé de baptiser les générations au prétexte qu’une même classe d’âge partagerait les mêmes goûts et aspirations. Les nouveaux-nés de 2025 seront les premiers des bêtas !   

Par Stéphane Lecompte 

L’habitude de nommer les générations est née au croisement de la sociologie, de l’histoire et de la culture populaire. À partir du XXe siècle, face aux changements rapides de la société – guerres, progrès technologiques, transformations économiques – chercheurs, journalistes et gouvernements ont commencé à remarquer que les personnes nées à la même période partageaient souvent des traits culturels, des valeurs ou des expériences marquantes.

De 1900 à 1930, la génération est nommée grandiose par le journaliste et écrivain américain Tom Brokawdans son livre « The Greatest Generation » (1998), pour son courage, son sens du devoir et ses sacrificespendant les grandes crises du XXe siècle.
La suivante (1931-1945) a été surnommée silencieuse dans les années 1950, car elle a été perçue comme réservée politiquement et peu contestataire en comparaison avec celle des boomers qui lui a succédée. La génération des baby-boomers est née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1945 et 1964, les pays exsangues connaissent un boom démographique, ce qui vient combler la perte des millions de victimes du nazisme. Les boomers grandissent dans la croissance économique (les « Trente Glorieuses » en France), le développement de la société de consommation et la libération des mœurs notamment sexuelles. 
L’idée de nommer les générations et de les enfermer dans des cases (des cages !)  s’est d’ailleurs développée avec les boomers.  Leur a succédé la génération X, allant de 1965 à 1980, popularisé par Douglas Coupland, un écrivain canadien, avec son roman « Generation X: Tales for an Accelerated Culture » (1991). Elle regroupe des individus soit-disant caractérisés par leur goût de l’aventure mais également par leur cynisme et la recherche de nouvelles valeurs. La génération Y (1981- 1996), aussi appelée Millenials, par les sociologues américains qui les ont décrite, William Strauss et Neil Howe, englobe des individus marqués par les débuts de l’ère du numérique, notamment par l’arrivée d’internet et les balbutiements des réseaux sociaux. Ce sont aussi ceux qui ont atteint l’âge adulte au passage à l’an 2000. La génération Z (1997-2009) qui a pris le relais, réunit des individus encore plus connectés informatiquement. La génération suivante, née entre 2010 et 2024, a été nommée Alpha par le démographe australien Mark McCrindle dans son ouvrage Generation Alpha ; elle est décrite comme ayant une influence notable sur les marques car disposant d’un pouvoir d’achat plus élevé que celui des générations précédentes au même âge. Dès lors, les générations suivront l’alphabet grec. Depuis le 1er janvier 2025 les bêtas – issus de la générations bêta – sont apparus en même temps que se développe l’intelligence artificielle.  
Que penser de cette manière d’envisager les individus ? Les enfermer dans une génération décrite à gros traits, n’est-ce pas caricatural ? N’omet-on pas à les catégoriser ainsi de se rappeler que l’espèce humaine est complexe et variée ? 
En 2040 devrait « paraître » une nouvelle génération accompagnée d’une nouvelle dénomination. Sera-t-elle caractérisée par la fascination technologique et les séjours sur Mars ?  Ou prendra-t-elle un virage ramenant l’humain à une place plus en phase avec ses aspirations et la nature ? Gageons qu’elle sera pleinement concernée par le dérèglement climatique et les catastrophes environnementales et qu’elle sera plus préoccupée de la perpétuation des générations que de leur surnom…