Comment la parole du suprémacisme masculin a enflé aux Etats-Unis au point de permettre à Donald Trump de devenir le 47ème Président des Etats-Unis ? Analyse d’une idéologie par Claudie.
Par Claudie Perrot
Donald Trump, élu 47eme Président des États-Unis le 5novembre 2024, a pris ses fonctions officielles le 20 janvier 2025.
Depuis cette élection, les masculinistes américains s’en donnent à cœur joie sur les réseaux sociaux, ce qui se traduit par une hausse faramineuse des contenus à caractère misogyne et sexiste tels que « get back in the kitchen » (retourne à la cuisine) et « your body, my choice » (ton corps, mon choix). Ce dernier slogan détournant ironiquement le cri féministe des années 60 : « Mon corps, mon choix ».
Le masculinisme est né dans les années 70 aux USA, au Canada et en Europe occidentale. Au départ, ce sont des groupes d’hommes qui se qualifient de féministes, qui veulent être alliés à la cause des femmes et qui réfléchissent, de leur côté, à être de bons partenaires. Les questions sur la famille cristallisent rapidement leur pensée masculiniste avec un cheval de bataille récurrent : la garde des enfants après la dislocation du couple parental et sa séparation. C’est le pendant masculin du féminisme qui cherche l’égalité des sexes, la lutte contre les injustices et les discriminations dont les hommes sont victimes, car selon eux, le féminisme est allé trop loin. En effet, le droit à la contraception féminine, la légalisation de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) et le divorce par consentement mutuel sont autant de nouveaux acquis juridiques qui chamboulent les rôles dans le couple, attribuent aux femmes la possibilité de rester maitresses de leur corps et destituent les hommes de leur qualité de chef de famille, ce qui plongent ces dernier dans le désarroi. Les excès du féminisme inférioriseraient les hommes, ce qui expliquerait la souffrance des hommes modernes.
Dans les années 90, des mouvements opposés à ces nouveaux droits se développent et le versant anti-féministe se consolide. La présence de militants pro-life apporte des arguments religieux contre l’avortement et des actions contre les hôpitaux où sont effectués des avortements sont menées. Les masculinistes défendent l’idée que le patrimoine génétique de l’homme les rend plus apte à diriger. Et naturellement dominant envers le sexe faible. L’avènement d’Internet puis, des réseaux sociaux dans les années 2000-2010 permettent aux masculinistes de répandre massivement leurs théoriques biologiques et justifier le suprématisme masculin. Donald Trump a largement utilisé ce discours masculiniste. Il a d’ailleurs montré qu’il le soutenait durant son premier mandat puisqu’il a permis que l’avortement soit désormais interdit dans de nombreux états américains. Pour sa deuxième campagne présidentielle, il a misé sur les influenceurs masculinistes passionnés de sports violents et de crypto monnaies, sur les podcasteurs suivis par des millions de jeunes hommes pour devenir populaire. « Si vous ne votez pas pour Trump, vous n’êtes pas un homme » ont expliqué sans ambages les influenceurs masculinistes, ainsi que le millionnaire Elon Musk, lorsque Kamala Harris s’est présentée comme candidate démocrate. On connait la fin de l’histoire : le vote masculiniste a fini par l’emporter sur le vote féministe.
Cette rhétorique visait à rendre le candidat Trump séduisant pour ceux, hommes et femmes, qui considèrent que pour diriger un pays et être un leader, il faut être un dur et un fort en gueule.
Même certains Latinos et hommes noirs, qui votaient traditionnellement démocrates, ont été séduits par ce discours, occultant totalement la dimension raciste de Trump qui, le soir-même de son investiture annonçait qu’il allait « procéder à des arrestations massives de migrants illégaux ».
Il existe aussi une catégorie de masculinistes très haineuse à l’endroit des LGBT et à la théorie du genre : il n’y a que deux sexes, masculin et féminin affirme le nouveau président. Pourtant l’un des douze enfants de son allié Elon Musk, Xavier, est devenu transgenre en 2022 et s’appelle désormais Vivian Jenna. « J’ai perdu mon fils » a expliqué le patron de Space X, pour tout commentaire. Avant de mettre sa fille à la porte.
Mais le masculinisme n’est pas une spécificité américaine. Il se développe aussi en Europe, notamment en France. La révolution #MeToo, qui a libéré la parole des femmes et affûté les consciences féministe, incite beaucoup d’hommes à renouer avec des idées conservatrices.
Un rapport publié en 2023 par l’ONG Equipop, qui promeut la santé et le droit des femmes et des filles partout dans le monde et par l’Institut du genre en géopolitique, propose une liste de recommandations auprès de l’Union Européenne et de ses 27 Etats membres: lutter contre les cyber violences de tous ordres en «garantissant les droits, la sécurité des femmes et des personnes LGBT et combattre vigoureusement les discours masculinistes en ligne et dans les politiques publiques ». Il y a urgence.