Un accident d’autocar dont le conducteur était âgé de 63 ans a amené les résidents de l’Ehpad Saint Joseph à s’interroger sur les limites liées au vieillissement. Quand faut-il s’arrêter de conduire ? Qui doit décider ?

Étaient présents : Bernard, Christiane, Danièle, Francine, Jeannine, Liliane, Mireille, Rolande, Rosa et l’animatrice, Lauriane.

Jeannine : J’ai été choquée par la sortie de route d’un autocar, il y a quelques jours. C’est un accident dramatique.

Danièle : Une jeune fille de 14 ans est morte et il y a eu de nombreux blessés.

Mireille : Je me demande pourquoi il n’y avait qu’un seul chauffeur.

Danièle : C’est une question d’économie.

Liliane : Il m’est arrivé de voyager ainsi en car, il y a toujours eu deux conducteurs. 

Francine : Les chauffeurs ne sont pas payés suffisamment par rapport à ce qu’ils font et à leurs responsabilités, il n’y en a peut-être plus assez pour constituer des équipes complètes.

Mireille : C’est un problème d’organisation du travail.

Liliane : Quelle que soient les circonstances de l’accident, le conducteur devra en assumer les conséquences. Celui qui a perdu le contrôle de son véhicule ne doit pas dormir tranquille, sa vie est finie.
Ayant 5 personnes de ma famille qui ont travaillé dans les transports, je connais bien cette pression. Mon neveu a eu un accident dont il n’était pas responsable, il a pourtant eu beaucoup de mal s’en remettre. En quittant un arrêt, une jeune femme est arrivée en face en voiture, elle devait chercher quelque chose dans un vide-poche et ne regardait pas la route, elle a fait un écart juste devant l’autocar. Mon neveu a pu s’arrêter mais la voiture s’est tout de même encastrée dans son car. Il a vraiment été marqué par cet accident, quand il a repris le volant les collègues l’ont accompagné, j’ai aussi fait des navettes avec lui ; il avait 40 ans, la jeune conductrice avait le même âge que lui à quelques jours près.

Mireille : Dans l’accident qui vient de se produire, le chauffeur était âgé de 63 ans, cela pose un problème de sécurité, il a pu s’assoupir. On parle d’empêcher les personnes âgées de conduire mais on laisse ce chauffeur avec 50 personnes. C’est une grande responsabilité, c’était à lui de dire s’il se sentait capable de l’assumer.

Liliane : A partir de 60 ans, les conducteurs de transports en commun passent une visite médicale tous les ans pour renouveler leur permis. S’il conduisait, c’est qu’il était apte. De plus, il y a des normes à respecter, il y a un mouchard dans chaque bus et les horaires sont surveillés. On ne fait pas n’importe quoi. A partir de là, c’est plutôt au patron de prendre ses responsabilités. Chacun son métier, chacun ses galères.

Bernard : Quand on vieillit, on doit savoir prendre la décision de ne plus prendre le volant. Moi, il a suffi d’un accrochage pour que je décide d’arrêter. Je me sentais moins en confiance, je ressentais la peur du choc, je me suis dit que c’était fini. 

Rolande : Moi, c’est le médecin qui m’a défendu de conduire alors, que voulez-vous, j’ai arrêté.

Jeannine : J’avais 50 ans et j’allais dans la Manche en voiture avec mon mari, un jour il m’a dit de changer de place. Il avait peur mais il percevait aussi mes craintes, il me connaissait. Il avait raison. Je lui ai laissé le volant et c’était vraiment un soulagement. 

Francine : Mon mari a failli renverser une petite fille, c’était en ville, elle n’avait pas priorité mais elle passait. Mon mari ne l’a pas vue venir, j’ai juste eu le temps de lui dire de freiner. On a ramené la petite chez elle et sa mère nous a expliqué qu’elle ne faisait jamais attention. Après cet incident, j’ai dit à mon mari d’arrêter de conduire, je trouvais que c’était plus prudent. Il a quand même continué et il a eu un accrochage peu de temps après ; c’était il y a un an.

Rolande : Quand je monte en voiture avec quelqu’un et que j’ai peur, je ne remonte plus avec la personne. Par exemple, j’ai peur avec le mari de ma fille, il roule trop vite, je me cramponne. Il le sait mais il ne change pas. Ma fille prend le volant quand elle sait que je suis là pour éviter toute gêne.

Mireille : C’est pareil avec mon frère, il attendait d’être le cul dans la bagnole pour freiner. Je lui disais mais il ne changeait pas. 
« Mais pourquoi il ne freine pas encore ! Oh la la ! Il ne rétrograde même pas » !… A côté les gens ont toujours plus peur que celui qui conduit.

Francine : Même en tant que passager on a peur de tuer quelqu’un, on a une part de responsabilité. Mon mari conduisait vite mais il ne l’admettait pas tellement non plus.

Bernard : L’accident arrive parfois plus rapidement qu’on ne le pense. Il faut admettre quand on fait une connerie.

Rolande : Quand mon mari n’a plus pu conduire, il a bien été obligé d’accepter que je le fasse, autrement il n’acceptait pas ça. 

Mireille : Avant, les hommes ne voulaient pas que les femmes conduisent.

Bernard : Il faut reconnaitre que les femmes conduisent aussi bien que les hommes.
Mes filles conduisent correctement, c’est rassurant. J’avais une cousine qui conduisait très bien mais elle avait peur de traverser les ponts.

Mireille : Ce qui me faisait peur c’était les priorités, le code.

Danièle : Si quelqu’un a peur, c’est qu’il y a une raison. Moi je n’ai jamais passé le permis mais une fois un ami qui avait trop bu m’a mis un volant dans les mains en rentrant d’une soirée. Il m’a dit : « embrayage, frein, accélérateur, 1ère, 2ème » ! J’ai fait le tour du quartier, mon ami était à l’aise. Il ne m’est rien arrivé.

Mireille : On s’arrête par la force des choses mais c’est à nous de prendre la décision et cela peut poser problème. Quand on a un accident, on a parfois du mal à bien estimer si c’est de notre faute ou pas. L’erreur, c’est de penser à soi alors que, s’agissant de sécurité routière, on devrait plutôt penser aux autres. Mais, il faut reconnaitre que c’est difficile d’arrêter de conduire.

Liliane : Pour se passer de voiture, il faut pouvoir s’organiser autrement mais certains secteurs sont très pauvres en transports en commun ! Aller à la pharmacie devient très compliqué par exemple, on doit attendre que le facteur amène les médicaments ou prendre un taxi, mais il y a des gens qui ne peuvent pas se le payer… L’isolement c’est grave.