Quand je suis chez moi, le temps est infiniment long, double, triple…. Je suis dans un état de léthargie : je devrais en profiter pour faire du rangement, mais je n’en ai pas envie.

Contrairement à ce que j’avais prévu, la privation de liberté laisse libre cours à une sorte de liberté intérieure pour réfléchir plus profondément au sens de l’existence. C’est une prise de conscience de l’importance de la liberté et une remise en question qui m’envahit. J’y prends un certain plaisir. J’ai soudain plus de temps pour penser !

Au contraire, quand je sors, je suis stressée par les horaires de la feuille de déplacement et par le port du masque. La phrase de la Constitution « Les hommes naissent libres et égaux en droits » me paraît tout-à-coup ridicule. Les personnes croisées s’éloignent de moi et je ressens ce sentiment bizarre d’être en face de gens qui me considèrent sans raison comme une personne contagieuse. Sortir n’est plus un plaisir ! Quelquefois, certaines personnes plus ou moins agressives me disent même de m’éloigner un peu plus, ce qui ne fait qu’accentuer mon mal-être… La distanciation devant les magasins devient vite insupportable et j’ai hâte de rentrer.

L’autre jour, j’ai croisé un homme jeune qui criait dans la rue pour extérioriser son angoisse. Je n’avais qu’une envie : rentrer au plus vite ! Ensuite, je regarde la une du journal devant un bureau de tabac : « Les rescapés du Covid 19 témoignent ». 
Tout devient anxiogène ….

Catherine Lenord – 23 avril 2020