Prévenir les stéréotypes notamment de genre en traquant les idées reçues et autres phrases toutes faites, c’est indispensable. Mais de là à re-écrire des œuvres éditées, voire d’en censurer des passages, c’est inquiétant. D’ailleurs, Marie tire la sonnette d’alarme.   

Par Marie H. 

« J’ai averti mes éditeurs que s’ils changeaient plus tard une seule virgule de mes livres, ils ne verraient plus jamais un mot de ma part, jamais. » Ainsi parlait l’écrivain Roald Dahl à son ami, le peintre Francis Bacon. Depuis Roald Dahl nous a quittés et sa maison d’édition Puffin n’a aucun scrupule à faire appel à des « sensitivy readers » (lecteurs sensibles) ou « inclusives readers » (lecteurs prônant l’inclusion) afin de réécrire l’œuvre de cet auteur disparu en 1990. Le Telegraph du 17 février 2023 aurait annoncé la nouvelle et donné l’alerte.

Les « sensitivy readers » révisent, remplacent, édulcorent les propos non conformes à leurs idées, à savoir « tout propos jugé discriminatoire à l’endroit des minorités, tout mot en lien avec le poids, la santé mentale, la violence, le genre et la race. » Voici un exemple. Dans le conte Sacrées sorcières, « Même si elle travaillait comme caissière dans un supermarché ou comme secrétaire pour un homme d’affaires » (version originale) devient « Même si elle travaillait comme scientifique de haut niveau ou qu’elle dirigeait une entreprise » (nouvelle version).

Les caissières et secrétaires apprécieront. Elles ne sont pas dignes de figurer dans un conte pour enfants. Cela les poussera, peut-être, à grimper dans l’échelle sociale !

Les livres destinés à la jeunesse ne sont pas les seuls à souffrir de remaniements intempestifs. Certains livres sont ostracisés et proscrits dans les universités outre-Manche et outre-Atlantique. C’est le cas de Jane Austen, mise à l’index par l’université de Greenwich à Londres. Elle est accusée de véhiculer des stéréotypes de genre dans un de ses romans Northanger Abbey, publié en 1817 (à titre posthume). Jane Austen manie, comme Roald Dahl, une ironie qui échappe à nos lourds « sensitivy readers ». Au coin la vilaine, coupable de sexisme ! Le passage incriminé : « Une femme, si elle a le malheur de savoir quelque chose, devrait le dissimuler aussi bien qu’elle le peut. »

On tremble à l’idée des dégâts que pourraient commettre nos « sensitivy readers » s’ils s’attaquaient à un roman aussi passionné et aussi violent que les Hauts de Hurlevent d’Emily Bronte, au nom de leur sacro-sainte pensée unique et pour notre édification.

Sans compter que ces « sensitivy readers » se permettent d’ajouter des paragraphes de leur cru à des œuvres qu’ils n’ont pas signées. « On rentre dans les morts comme dans un moulin » se plaignait déjà Flaubert.

A quand la Case de l’Oncle Tom avec en vedette l’oncle Tom blanc, esclave chez des sudistes noirs américains ?

Gardons espoir :  l’éditeur français de Roald Dahl, Gallimard, a fait savoir qu’il ne modifierait pas les versions de l’éditeur publiée dans la collection Folio Juniors.