Le Conseil national autoproclamé de la vieillesse vient de tenir son contre-salon à Bordeaux. Plus de 4000 personnes sont venues débattre avec les vieilles et les vieux engagés dans le mouvement « rien pour les vieux sans les vieux ». Emmanuèle y était.
Par Emmanuèle Jeandet.
Le TGV me dépose sur le quai à Bordeaux. En traversant la gare pour rejoindre mon hôtel et m’y délester de ma valise, je suis accrochée par une devanture qui vante les mérites des cannelés … Vous savez, ces savoureux petits gâteaux dotés d’une fine carapace craquante complétés d’un intérieur moelleux et légèrement parfumés au rhum ? Oui, je suis bien à Bordeaux !
Je me dirige vers la halle des Douves, inconnue pour moi qui ne connais pas la ville ; il se révèle un lieu ouvert, propice aux manifestations, géré par une association ayant à cœur de favoriser le dialogue entre ceux qui l’occupent de manière éphémère ou pérenne.
Je me rends au contre-salon du Conseil national autoproclamé de la vieillesse (CNaV) qui va s’y tenir et accueillir durant trois jours des ateliers et séances plénières où les vieux et les vieilles vont discuter, s’amuser, proposer, enfin exister comme citoyennes et citoyens à part entière. Pourquoi cette appellation de contre-salon ? Pour ne pas être confondu avec les salons pour séniors dont l’objectif principal est de faire du commerce, depuis les logements considérés comme de juteux placements jusqu’aux crèmes anti-âge en passant par les robots affectueux ! Pour rappel, le CNaV a été créé il y a trois ans pour favoriser la parole des vieux et vieilles et revendiquer que rien de ce qui les concerne ne se fasse sans eux : « rien pour les vieux sans les vieux » est leur slogan. Aujourd’hui le CNaV rassemble environ 5000 adhérents, dans tous les territoires où ils animent de multiples actions et débats. Il y a deux ans, un premier contre-salon s’est tenu à Paris avec un grand succès ; le groupe bordelais s’est lancé à son tour dans la réalisation du deuxième contre-salon, et m’y voilà !
Une atmosphère, à la fois effervescente et bienveillante, me saisit dès l’entrée. De multiples stands accueillent les arrivants, celui du CNaV bordelais évidemment, montrant ses activités et ses liens avec de nombreux réseaux ; la mairie et le département ont soutenu l’opération mais ne s’affichent pas, l’initiative ne leur revient pas. De nombreuses associations locales promouvant, qui les randonnées, qui les clubs de lecture, qui les visites culturelles ou les conférences de toute nature, sont là… Tout ce beau monde papote et échange allégrement. Un café, au centre, accueille non-stop tous ceux qui veulent se découvrir, échanger des modes d’emploi sur leurs activités ou faire une pause. La galerie qui entoure les salles d’ateliers, comme une coursive de bateau, est agrémentée d’œuvres originales ; des dirigeables pendus au plafond font lever la tête pour rêver ; des tableaux et des aquarelles autour de la « couleur des rides » font découvrir la beauté des visages de femmes âgées, une expo-photo prolonge ces découvertes ; des clichés de mains sont là aussi pour laisser les traces du travail d’une vie… La vieillesse est revendiquée, elle est vécue comme une ressource.
Le programme de l’ensemble des débats est alléchant, il s’ouvre sur ces mots : « l’idée ? Ne rien vendre, partager simplement des expériences, des bouts de savoir, histoire de prendre en mains notre vieillesse et de ne pas laisser les experts parler en notre nom… »
Entrecoupés de moments improvisés par des danseurs, de multiples ateliers accueilleront tous les thèmes attendus : habitat partagés et alternatifs, vie dans la cité, le corps qui vieillit, la mort, mais aussi des questions économiques sur le financement de la dépendance, la prise en compte de l’isolement et de la pauvreté. Comment aborder les échéances politiques avec la préparation des élections municipales pour faire passer des idées neuves ? Comment trouver une alternative aux EHPAD ?
Ouvrant la première après-midi, la plénière illustre l’un des fils rouges choisi pour le contre-salon, celui des expériences intergénérationnelles : « Jeunes, vieux ensemble construisons demain ». Il va être question de réfléchir aux moyens d’éviter la rupture des générations en prenant notamment conscience des stéréotypes d’âge qui conduisent souvent à des jugements péremptoires et à des formes directes ou implicites de ségrégation.
Cette première journée se conclut par un verre, de Bordeaux évidemment, agrémenté de saucissons venus du Sud-Ouest, suivi d’une boum vintage ! Plaisir total !Que vont nous réserver les jours suivants ? Vous le saurez en découvrant l’épisode 2.




