Le décès de Jean Marie Le Pen est survenu le jour du dixième anniversaire de l’attentat contre Charlie Hebdo. Ces deux évènements se bousculent et réveillent de nombreuses questions autour de la tolérance et de la liberté d’expression. Comment la perception de celles-ci ont-elles évolué ces dernières années ?
Revue de presse de la Résidence Jeanine Bonvoisin
André, Claude, Éric, Dominique, Evelyne, Françoise, Maria, Marie, Micheline, Nelly, Stéphane ainsi qu’Anaïs (stagiaire), Constance et Françoise (Animatrices).
Marie : Aujourd’hui, on commémore les attentats contre Charlie Hebdo ; 10 ans après, l’esprit du journal est toujours aussi précieux. J’ai acheté le numéro spécial de cette semaine ; la rédaction avait organisé un concours de dessins pour se moquer de Dieu. Ils ont reçu des réponses du monde entier, c’est formidable, mais aujourd’hui la satire passe de moins en moins.
Stéphane : J’ai l’impression que Charlie ne va plus aussi loin qu’avant.
Evelyne : Un dessinateur du journal disait hier qu’il ne changeait pas d’état d’esprit ; s’il devait à nouveau proposer un dessin se moquant du prophète, il le ferait.
Éric : J’ai peur que cela provoque une escalade. Je suis pour cette liberté mais ses conséquences possibles me semblent trop graves.
Anaïs (stagiaire) : Dans ce cas, si les dessinateurs se censurent, les terroristes ont gagné.
Éric : S’il y a la paix, s’il n’y a pas de mort, ils ont perdu.
Anaïs : Ce qu’ils voulaient c’est que les gens se taisent.
Nelly : C’est comme dans l’Éducation Nationale avec l’assassinat de Samuel Paty, si les enseignants n’osent plus aborder certains sujets, c’est le terrorisme qui gagne.
Marie : La haine gagne du terrain aujourd’hui en France et dans tous les pays autour de nous ; c’est très angoissant. L’extrême droite profite aussi de cette méfiance.
Quand je pense que Jean-Marie Le Pen est mort le jour de la commémoration des attentats contre Charlie Hebdo. C’est un sacré pied de nez de l’histoire ! J’imagine un peu le dessin que Cabu aurait inventé. Là où il est, il doit bien rigoler.
Éric : Jean Marie Le Pen l’a peut-être fait exprès mais j’en doute, l’humour n’était pas son fort. Je ne vois surtout pas très bien ce que sa disparition va changer.
Stéphane : Il y a une trentaine d’année, son décès aurait pu freiner le développement du Front National mais maintenant, c’est un peu tard.
Nelly : Le problème est le manque de confiance que nous inspire les partis traditionnels. On a souvent l’impression que leurs dirigeants nous disent quoi faire ou quoi penser sans vraiment s’intéresser à nos problèmes. Cela pousse un électorat de plus en plus grand vers les extrêmes. Cela ne signifie pas pour autant que ces personnes adhèrent à leurs idées mais elles ne savent plus vers qui se tourner.
Françoise : Je pense aussi que les gens qui ont voté ces dernières années se sentent floués. Une fois élus, les candidats changent d’attitude, ils font leur petite sauce entre eux en oubliant leurs promesses. C’est décourageant.
Stéphane : On vote pour différentes personnes mais ça ne change rien. On essaye, on y croit mais rien ne bouge. Nos élus se foutent complètement de nous.
Éric : Cette sensation que rien ne change provoque beaucoup de dépit. Aujourd’hui, la démocratie est malade de son inertie et de ses mensonges.
André : Quand Mitterrand a été élu Président de la République, il a quand même pris des décisions fortes comme l’abolition de la peine de mort.
Éric : La création du Revenu minimum d’insertion au début du second septennat de François Mitterrand a aussi été un acte important, mais globalement la politique de l’argent est restée dominante.
Evelyne : Il y a eu la retraite à 60 ans également ; tout le monde était content à l’époque mais on s’aperçoit qu’on paye la note aujourd’hui.
Françoise : On en veut toujours plus, mais on ne peut pas dépenser sans compter. Le pays ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens.
Stéphane : Le Front National, aujourd’hui Rassemblement National, s’est toujours nourri de ces failles. Il y a 50 ans, quand Le Pen parlait, on lui donnait tort, aujourd’hui le parti qu’il a créé est aux portes du pouvoir.
Éric : C’est le désespoir démocratique qui amène les gens à voter pour le RN.
Evelyne : Il aurait fallu dès le départ combattre pied à pied le chef et démontrer que ses idées étaient mauvaises. A ses débuts, le F.N. fonctionnait comme une secte et recevait des donations ; c’était encore un parti fragile prônant des idées redoutables. Aujourd’hui, la fille parle mieux que le père ne le faisait, le parti est plus fort mais les idées sont les mêmes.
André : Par rapport aux années où Jean-Marie Le Pen était présent dans la vie politique, beaucoup de personnes ont perdu leurs repères. A l’époque, on n’imaginait pas que des musulmans voteraient un jour pour l’extrême droite ; aujourd’hui à Mayotte, où les musulmans sont nombreux, le Rassemblement National domine. Avant, c’était un territoire de gauche mais leurs représentants ont perdu toute crédibilité.
Anaïs : Le Rassemblement National s’adresse directement aux pauvres qui sont nombreux ; il a plus de chances d’obtenir leur vote. Ce n’est pas pour autant qu’il s’intéresse vraiment à eux.
Evelyne : On parle d’un parti qui, n’ayant jamais été au pouvoir, peut faire toutes les promesses qu’il veut. Les gens ont davantage tendance à le croire. On a connu le même phénomène avant l’arrivée de la gauche au gouvernement.
André : Pour éviter cette évolution, il aurait fallu agir sur le pouvoir d’achat, lutter contre la misère.
Nelly : Les partis au pouvoir ont trop négligé l’aspect l’humain. Aujourd’hui, les gens ont simplement peur de ne pas pouvoir nourrir leur famille ! Qui en tient compte ?
Anaïs : Autour de moi, j’ai des amis qui soutiennent le R.N. alors que leur mode de vie est en opposition complète avec les valeurs de ce parti.
Marie : Je redoute le manque de motivation des jeunes, je crois qu’ils ne se sentent plus concernés et qu’ils auront de plus en plus tendance à s’abstenir de voter.
Anaïs : Moi, j’irai voter, je suis très motivée pour débattre et discuter. Je serai bientôt majeure et je me dis que le vote me donnera le droit d’être plus exigeante.
Si je veux être légitime quand j’exprime mes désaccords, je dois voter.