L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) proposait le 30 janvier dernier, à l’invitation de la Maison des Aînés de Rouen, une conférence sur les directives anticipées. Le public était nombreux au rendez-vous, signe que le sujet intéresse et interpelle. Martine y était.
Par Martine Lelait
Anticipez ! Non, ce n’est pas un énième conseil de coaching personnel, pas plus qu’une consigne professionnelle, mais une incitation à réfléchir aux directives anticipées de fin de vie lancée par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD).
Le 30 janvier, de nombreux participants ont répondu à l’invitation de la Maison des Aînés de Rouen, pour entendre deux représentants de l’association présenter le sujet.
Directives anticipées : voilà déjà, à mon sens, une drôle de formulation, c’est presque un pléonasme ; quand on donne des directives dans quelque domaine que ce soit, c’est forcément en amont du dire, du faire…, c’est déjà de l’anticipation.
Alors que sont ces fameuses directives anticipées ?
Elles sont explicitement prévues à l’article L.1111-11 du code de la Santé publique qui stipule que « toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux. »
Il s’agit en effet de laisser une trace tangible de nos volontés en la matière si par malheur un beau jour – ou plutôt un mauvais jour – nous étions dans l’incapacité de les formuler nous-mêmes. C’est alors la personne de confiance que nous aurons désignée qui sera en charge de porter notre parole auprès des autorités médicales.
Je suis profondément convaincue que tout le monde devrait avoir signé des directives anticipées, mais ce n’est pas aussi facile de passer à l’acte. Cela oblige chacun d’entre nous à réfléchir sur la fin de vie, la nôtre en particulier et c’est un exercice qui parfois peut faire peur. Cela dit, rédiger nos directives anticipées n’accélèrera en rien notre mort, pas plus que cela ne la retardera d’ailleurs !
Cette démarche doit nous permettre de réfléchir par avance et de poser par écrit ce que nous voulons personnellement pour notre fin de vie : le soulagement de toutes nos douleurs ? Le refus de tout traitement, de tout acte thérapeutique ? Être opéré ou non ? Une sédation profonde et continue ? Mourir à domicile ? À l’hôpital ? Bénéficier d’une aide active à mourir si la loi vient un jour à être votée ? Être crématisé incinéré ou inhumé ?
Toutes questions qu’il est important de se poser pour éviter que les décisions qui nous concernent soient prises par d’autres, des parents, des proches, animés sûrement de bons sentiments mais surtout de leurs convictions personnelles, lesquelles ne sont peut-être pas forcément les nôtres ; ces proches au demeurant n’étant pas toujours d’accord entre eux sur ce qu’il conviendrait de décider pour notre mieux à nous !
D’où l’importance de désigner une personne de confiance qui sera à même d’être notre porte-parole si nous ne sommes plus en capacité d’exprimer nous-mêmes nos desiderata. Par sa signature cette personne s’engage à les faire respecter. Son témoignage prévaudra sur tout autre témoignage.
Nos directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention, de traitement, sauf, précise la loi, « en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. » Dans ce cas, la décision doit être prise collégialement mais reste à la discrétion du pouvoir médical. C’est la limite que je verrais personnellement à ces directives anticipées non opposables ni contraignantes pour les médecins qui restent juges en dernier lieu de l’opportunité de les appliquer ou non.
Il existe un registre national chargé de recueillir les directives anticipées avec toutes les précautions indispensables en matière de confidentialité et de conservation (l’ADMD est habilitée à gérer ce fichier national) et bien sûr, nous devons conserver nous, l’original, en donner copie à notre personne de confiance ainsi qu’à notre médecin.
Vouloir rester acteur de notre vie jusqu’à notre mort devrait nous conduire tous à rédiger nos directives anticipées ; il ne nous faut pas en avoir peur ; elles ne sont d’ailleurs en rien figées dans le marbre : à tout moment, elles peuvent être révisées voire révoquées si nous changeons d’avis.