Les 4 et 5 mars se tenait au Parc des Expositions de Rouen le colloque national du Centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT) avec un riche programme d’ateliers thématiques. Martine a choisi de s’intéresser au suicide des personnes âgées.

Par Martine Lelait

Avec l’arrière-pensée d’en faire un article pour les Curieux Aînés, j’avais choisi parmi les 10 ateliers proposés pour l’après-midi du mardi, celui intitulé Face au défi du vieillissement de la population, quelles nouvelles solidarités intergénérationnelles ? 

Après la présentation d’une plate-forme de répit pour les aidants en Martinique, (plus de 10’000 personnes, majoritairement des femmes, y aident au quotidien un proche dépendant, malade ou handicapé) place a été laissée à Marie-Noëlle Leplomb, psychologue, coordinatrice régionale du 3114, numéro national dédié à la prévention du suicide. 

Elle a commencé par évoquer quelques chiffres et ordres de grandeur sur le suicide en France aujourd’hui. 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les personnes âgées qui se suicident le plus et non pas les jeunes, même si le suicide des jeunes filles et jeunes femmes se situe à un niveau élevé ; le suicide représente tout de même la deuxième cause de décès chez les jeunes, après les accidents de la route. Cependant, tous âges et sexes confondus, les décès par suicide sont trois fois plus nombreux que ceux liés à la route.

Sur environ 9000 suicides déclarés par an, 3000 concernent des personnes de plus de 65 ans. Ainsi le taux de suicide est de 35 pour 100.000 chez les personnes âgées contre 13 pour 100.000 pour l’ensemble de la population.

Parmi les personnes âgées, les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à se suicider, avec un accroissement du suicide chez les plus de 85 ans. Et d’une manière plus importante que pour l’ensemble de la population, 75% des suicides de personnes âgées aboutissent au décès.

Dans son rapport de 2025, l’Observatoire national du suicide précise en outre qu’en 2022, ont été recensées entre 190 000 et 280 000 tentatives de suicide. C’est colossal. A tel point que c’est à se demander pourquoi cette problématique, le suicide des « vieux » fait si peu débat….

Est-ce que dans l’esprit des gens, le suicide des personnes âgées serait moins choquant, plus « normal » que le suicide d’un jeune qui a encore toute la vie devant lui ? Serait-ce plus acceptable de voir se suicider des personnes atteintes de polypathologies invalidantes, qui veulent en finir, moins avec la vie qu’avec la souffrance ou la perspective d’une perte complète d’indépendance ?

Ces interrogations renvoient aussi à ce que les personnes souhaitent pour leur fin de vie, certaines attendant avec impatience une future loi sur l’aide active à mourir.

Toujours est-il que le suicide reste un impensé, un sujet qui fait peur, pas facile à aborder, qui peut gêner tout un chacun, qu’il soit conjoint, membre de la famille, voisin, ami, voire médecin. Ces derniers néanmoins osent de plus en plus poser la question aux personnes déprimées « avez-vous eu ou avez-vous des pensées suicidaires ? » tout comme ils prennent plus qu’avant l’habitude d’interroger la consommation d’alcool. La tentation peut être grande de minimiser lorsque quelqu’un vous évoque son envie de rien, son sentiment d’être de trop, son envie d’en finir. Il est légitime de se sentir démuni devant de telles paroles. Que dire ? Que faire qui soit aidant et ne soit pas contre-productif ?

Aussi est-il important de ne pas méconnaître les signes de la dépression, laquelle est une maladie qui, ne l’oublions pas, se soigne. La Normandie étant dans le trio de tête des tentatives de suicides, l’Agence régionale de Santé a mis en place différentes formations, des formations à l’évaluation et à l’intervention de crise en direction des professionnels mais aussi des formations dites « Sentinelle » en direction du grand public.

Et puis, il existe ce fameux 3114, numéro de téléphone accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 garantissant une écoute attentive et anonyme pour les personnes qui développent des idées suicidaires mais aussi pour leur entourage.

Coïncidence : quelques semaines après ce colloque, AGIRC-ARRCO organisait au cinéma Omnia de Rouen la projection de Un jour tu vieilliras, film d’Edouard Carrion, réalisé à l’initiative du CCAS d’Orléans. Dans ce film sont abordées beaucoup de thématiques, parmi lesquelles, la solitude, l’isolement des personnes âgées, le sentiment d’inutilité, de déconnection sociale, d’être un fardeau pour les autres ainsi que le suicide.  Beau succès, la salle était pleine pour cette projection.

Le suicide des personnes âgées, un sujet important à aborder et qui doit encore faire son chemin dans nos têtes.