A cette question, Marie répond par l’affirmative. Mais elle regrette que la romancière, décédée à Equemauville, dans le Calvados en 2004, ne soit plus assez présente dans les esprits. Alors elle rappelle son parcours dans la littérature et son talent.  

Par Marie H.

Tout a commencé dans le Paris des années cinquante où une jeune fille de la bourgeoisie s’émancipe en dansant au Vieux Colombier au son des clarinettes de Sidney Bechet et de Réwéliotty. Après le bac, obtenu à grand peine, elle s’inscrit à la Sorbonne. A la sortie des cours, elle s’installe à une table au fond d’un café et remplit un cahier bleu de son écriture d’étudiante. Son ambition, écrire un roman, qui lui ferait connaître « les soleils de la gloire » selon sa propre expression.

Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Les critiques littéraires sont conquis, le public suit. La jeune génération s’enthousiasme pour ce roman vif et bien écrit où une jeune fille découvre la vie en toute amoralité, ce qui en scandalise plus d’un. « Bonjour Tristesse » est un livre provocateur adoubé par l’écrivain catholique François Mauriac. Il aime ce premier roman où le talent, écrit-il, éclate dès la première page. D’autres romans suivront, inégaux, toujours intéressants.

Les personnages de Sagan ont la vie facile que donne l’argent, ceux qui n’en ont pas, n’en font pas un drame, ils vivent au plus près de leurs goûts. Un petit monde frivole mais indulgent qui ne s’encombre pas de soucis inutiles et de jérémiades stériles. Les histoires d’amour sont incertaines, cruelles et souvent sans suite, vouées à l’échec. C’est drôle parfois, toujours pudique. Elle nous le dit, le mélo se casse sur le libertinage et l’amusement, sur tout ce qui touche à la vie courante. Pas de morale, pas de jugement intempestif. Peu de sanctions, sinon celles imposées par la vie à ceux qui l’ont trop aimée.

Les romans de Sagan sont des leçons de vie, de stoïcisme. Ils suggèrent que l’on peut mûrir, sans pourrir, sans regret et sans chagrin excessif, avec courage, élégance et nonchalance.

La ronde des titres de ses livres nous accompagne encore : Un Certain Sourire, Aimez-vous Brahms ?, Les Merveilleux Nuages, La Chamade, Des Bleus à l’Ame, La Femme Fardée etc… Certains de ces livres ont permis d’assez jolis films. Les rééditions sont constantes.

Généreuse, d’un naturel et d’une fraîcheur désarmante, Françoise Sagan a été, de son vivant, victime de sa légende. Oui, elle aimait la vitesse et les voitures puissantes, les alcools forts, le jeu et plus tard la drogue, prise au début pour soulager les douleurs de ses nombreuses fractures à la suite d’accidents spectaculaires. Et alors ? C’était une amie exceptionnelle, sa maison d’Equemauville était un havre de liberté et de fraternité. 

Fragilisée par une santé chancelante, ses meilleurs amis disparus, Sagan est morte solitaire à l’âge de soixante-neuf ans, elle qui avait écrit dans Le Garde du Cœur « Ah ! je ne dirai jamais assez le charme de la vie quand on l’aime … »