La période de Noël ranime la fillette qui sommeille en Françoise. La voilà qui ressurgit pour se souvenir de ses cadeaux et de ses jeux avec ses poupées. Remontée dans le temps.

Par Françoise S.

A cette époque festive, des instants heureux reviennent à ma mémoire.
Souvenirs de mes nombreuses poupées et baigneurs, une grande famille. J’en ai possédé une trentaine, du petit baigneur en celluloïd aux poupées à tête en porcelaine et désarticulées. Sans compter les poupées régionales.

Chaque année, je commandais au Père Noël, un petit frère, un vélo et une poupée que je souhaitais « avec beaucoup de Z’habits ». J’ai attendu longtemps le petit frère, sans doute trop encombrant pour la hotte du vieillard à la barbe blanche.
J’ai d’ailleurs cessé de croire au père Noël à 8 ans, malgré les efforts de mon père qui se servait d’un stratagème : il marchait d’un pas lourd à l’étage, pour me prouver qu’il existait. Et malgré le mensonge de ma mère qui me confirmait son existence avec aplomb. Ainsi, les adultes pouvaient mentir. J’en fus déçue

Ma mère, qui était couturière, fabriquait pour chaque Noël des vêtements pour mes poupées ou mes baigneurs.
Il lui arrivait de les coudre sous mon nez dans la cuisine carrelée, avec sa vieille machine Singer. Elle s’imaginait que je ne voyais rien. Mon œil ! Je m’efforçais moi aussi de préserver l’illusion… 
Je me souviens de mes réveils le matin de Noël dans ma chambre bien chauffée par un vieux poêle en céramique qui ronronnait fortement et qui éclairait la pièce.
Au pied de mon lit, surprise : une nouvelle poupée joliment habillée. Toutes mes poupées et baigneurs portaient un prénom commençant par Jean ou Marie selon la mode de l’époque.

En tant que fille d’un prisonnier de guerre, j’ai reçu quatre fois de suite une poupée en carton bouilli, qui était raide comme un bâton. Mais quel émerveillement de les découvrir dans une boîte à chaussures. De genre masculin ou féminin, elles étaient habillées de magnifiques vêtements fabriqués par des dames solidaires. Il m’en reste deux, bien rangées dans un tiroir. Elles ressemblent maintenant à des vieillards. L’homme n’a plus ni cheveux ni chapeau, la femme a les yeux à demi-fermés, les cheveux rares et décoiffés.

J’ai possédé deux gros baigneurs en celluloïd de la marque Petitcollin. Ils ressemblaient à des bébés en bonne santé. Ils étaient plus agréables que les poupées désarticulées, cependant souvent élégantes. Celui qui s’appelait Nano était rose, potelé et joufflu.

Je l’ai gardé longtemps ; mais à force de parader dans la vitrine de la mercerie de ma mère dans des garde-robes qui changeaient à chaque saison, petit costume marin pour les vacances, blouse écossaise pour la rentrée et même cartable en cuir, etc. il a perdu ses couleurs et il a fallu l’apporter à la clinique des poupées pour lui remettre des couleurs.  

Mes parents qui voyageaient l’été avec Tourisme et Travail me ramenaient des poupées régionales de leurs escapades. Leurs tenues me permettaient de découvrir la géographie française. Elles étaient très jolies dans leurs jolis vêtements, mais elles manquaient de naturel. Alors, la plupart du temps, je les déshabillais et elles se retrouvaient en tenue d’Adam et d’Eve, à la grande déception de ma mère. Les vêtements étaient accrochés par des épingles sur tout le corps. Quelle galère pour les enlever une à une. Je les rhabillais à ma mode avec des petits lainages tricotés par mes soins.
Avec toute cette petite famille, je jouais à la maman dans ma chambre ou dans la cuisine.                   

J’installais les petits baigneurs, sous la fenêtre et sur ma table à repasser junior. Des petits meubles rose et bleu (armoire, table, fauteuils, siège de bébé) fabriqués par mon père, un ancien menuisier, y étaient aussi disposés.
Alors commençaient les saynètes que j’inventais ainsi que les conversations entre les poupées. Du petit baigneur noir, je disais qu’il avait été adopté.
Parfois, ma mère venait surprendre mes petites mises en scène ; je me taisais aussitôt, n’appréciant pas cette intrusion dans ma vie privée.
 J’avais installé une règle en guise d’échelle qui reliait l’endroit où se trouvaient mes poupées et baigneurs à la jardinière de bois verte où poussaient des pétunias roses et mauves. C’était leur jardin pour aller prendre l’air. J’emmenais souvent un baigneur en promenade et c’est ma mère qui devait le porter au retour.      
Pour jouer sans être dérangée avec mes deux poupées de la marque « Jumeau » désarticulées et à têtes de porcelaine (que j’ai malheureusement cassées et je me suis blessée), je m’installais derrière un rideau dans l’entrée. C’était ma cachette.                
J’ai joué à la poupée jusqu’à l’âge de onze ans. De cette époque, il me reste quelques petits meubles, une machine à coudre junior et quelques petits vêtements que je garde comme des trésors. Nostalgie…

Aujourd’hui, il existe les bébés Reborn qui paraissent aussi vrais que nature, dont les petites filles raffolent et aussi les adultes en mal d’enfant.
Ils sont en vinyl ou silicone, matériaux beaucoup plus chers. J’aurais adoré en recevoir un.