La ville de Rouen vient de lancer une concertation afin de repenser l’environnement autour de l’Hôtel de Ville. Une résidente de la Rose des Sables a participé à une première réunion et partagé ses impressions ; l’occasion de parler du partage de l’espace public afin d’en faire un espace de rencontre sans exclure qui que ce soit, même les plus démunis. 

Revue de presse de la résidence de la Rose des sables.
Étaient présents : Annie, Chantal D., Chantal G., Dominique L., Dominique S., Françoise, Jean-Louis, Josette, Marie-Christine et les animatrices, Edwige et Gracinda.

Josette : La ville de Rouen a la volonté de réaménager la place du général de Gaulle et les jardins à l’arrière de l’Hôtel de Ville pour placer celui-ci au cœur d’un espace plus naturel et plus fluide.
Une concertation est proposée à tous les habitants afin de réfléchir à ce projet en considérant aussi bien les aspects esthétiques que les nécessités fonctionnelles.
Les premières discussions ont vite mis en avant le besoin de rendre l’esplanade de l’hôtel de ville plus harmonieuse en la végétalisant et en supprimant la piste de skate-board plantée là. A l’origine, il s’agit d’une sculpture contemporaine.

Marie-Christine : Je n’ai jamais pensé que c’était une œuvre d’art.

Josette : Personne n’y a jamais pensé et surtout pas les jeunes skateurs qui se la sont appropriées. 

Annie : L’idée de végétaliser la place est positive, la ville de Rouen a davantage besoin d’espaces verts. Pendant des années, les travaux successifs ont entrainé la destruction de la plupart des arbres et la ville est devenue plus sensible aux phénomènes de réchauffements saisonniers.

Josette : Cela correspond à une période où seuls les arbres les plus majestueux et les plus fragiles étaient préservés. Afin d’éviter que la disparition de ces arbres ne provoque un grand vide, la ville a déjà planté de jeunes pousses mais cela ne suffira pas à revégétaliser la ville. 

Françoise : Certains aménagements ont déjà été initiés devant le Musée des Beaux-Arts par exemple. 

Josette : Oui mais ici comme ailleurs, l’aspect esthétique a souvent été privilégié et beaucoup de places se sont retrouvées recouvertes de pavés. Cela contribue au réchauffement des sites ; l’eau s’écoule trop vite et n’a pas le temps d’imprégner les sols. Cela explique certaines poussées de chaleur.

Marie-Christine : Ce serait bien de conserver un parvis devant l’Hôtel de Ville.

Dominique S. : Profiter d’une agora à cet endroit a du sens ; c’est important de pouvoir jouir de lieux pour se retrouver et éventuellement débattre. On ne peut pas mettre que des arbres. 

Annie : Remettre des végétaux est quand même une priorité. Ce serait bien pour les mamans et pour leurs petits. C’est essentiel de retrouver de la nature dans la ville ; les gens souffrent du manque de verdure. On l’a vu pendant le confinement.

Josette : On peut prendre exemple sur le jardin de Bihorel qui est tout simple mais qui permet à des personnes de tous les âges de se retrouver. Il faudrait s’inspirer de cela pour le projet autour de l’hôtel de ville et prévoir un espace pour toutes les catégories de personnes.

Marie-Christine : Je ne crois pas qu’il faille créer des ghettos.

Annie : Si les jeunes aiment se retrouver en plein centre-ville, c’est aussi que des cafés se trouvent à proximité. Je pense au O’Kallaghan’s, qui est juste à côté.

Gracinda : Les écoles aussi sont toutes proches.

Dominique S : Il faut favoriser le mélange des générations, en évitant qu’elles se fassent concurrence. C’est important qu’il y ait un partage.

Annie : Il faudrait aussi ajouter des bancs, qui sont essentiels pour les personnes âgées.

Josette : Ils ont été retirés pour empêcher que les S.D.F. s’installent.

Françoise : Les S.D.F. ne sont pas des chiens ! On doit les prendre en considération.

Annie : Ils font partie d’une réalité sociale. Il ne faut pas se cacher la face en les rejetant toujours plus loin. On devrait au contraire faire en sorte de les aider dans leur quotidien en installant d’avantage d’urinoirs, par exemple.

Dominique S : Actuellement, la partie sud du cloître remplit trop souvent cette fonction.

Josette : Il y a quelques années, j’ai participé au conseil de quartier du côté de la gare. Nous nous étions battus pour créer un jardin qui aurait pu profiter aux enfants ; mais il y avait tellement de gens qui trainaient que cela rendait la concrétisation du projet difficile. 

Marie-Christine : C’est un enjeu nécessaire du « vivre ensemble » : intégrer des gens dans le besoin et ne pas les laisser pour compte.

Françoise : De nombreux S.D.F. possèdent un chien, cela peut poser des problèmes d’hygiène, mais ces animaux sont toujours bien traités. Pour ces personnes qui n’ont rien, ils sont de véritables compagnons.

Marie-Christine : Personnellement, j’ai peur des chiens, mais je ne peux pas imposer cette peur à tout le monde. Si je dois faire un détour, je ne trouve pas cela scandaleux, je m’adapte. On ne vit pas tout seul.
Un jour, le chien d’un S.D.F. a aboyé à mon passage, mais c’était parce qu’un autre chien passait en même temps. Son maitre m’a très gentiment rassurée. C’était finalement une expérience plutôt sympathique.

Annie : On ne vit pas dans un monde parfait, il faut accepter que les gens soient différents.

Dominique S. : Tout cela demande à être réfléchi. Dans ce genre de projets, on engage de l’argent public. Par le passé, la bétonnisation excessive a eu des conséquences négatives ; pourtant, sur le papier, les projets paraissaient intéressants, mais l’impact de ces aménagements a été mal évalué. Aujourd’hui, on dit qu’il faut revégétaliser, ce qui est sans doute juste ; cependant, même si cette évolution semble incontournable, il faut prendre le temps d’y penser pour éviter de commettre les mêmes erreurs.

Annie : L’aspect financier ne devrait pas être un frein, quand il s’agit d’espace et de santé public. Pendant longtemps, Rouen a été une ville très polluée. Des nuisances sanitaires en ont découlé avec le développement probable de certains cancers. J’estime qu’il s’agit là d’une priorité.

Dominique S. : Pour moins dépenser, on devrait solliciter certaines associations qui travaillent déjà sur ces sujets d’aménagement du territoire et qui peuvent apporter leurs compétences et leurs idées. Cela ne coûterait rien.