Le harcèlement scolaire ne date pas d’aujourd’hui. Pourtant, il a fallu que des jeunes se suicident pour qu’une prise de conscience collective et des mesures de prévention se mettent en place.  

Par Yvonne Leménager.

La première histoire s’est déroulée, il y a quinze ans, dans une école de campagne. Au moment des récréations, peu surveillées, certains « grands » élèves de CM2 avaient pris l’habitude d’obliger ceux de CP ou de CE1 à se livrer entre eux à des combats de « catch ». Lorsque l’un de ces enfants voulait s’en plaindre à la maîtresse, il était présenté aux autres comme un rapporteur, et toute la classe chantait en chœur : « Rapporteur de Paris, mets ta couche et va au lit ». Une maman vint se plaindre. La maîtresse invoqua sa liberté pédagogique de ne pas cautionner la délation. Il fallut que plusieurs parents se mobilisent pour faire cesser cette façon de faire. 

La deuxième histoire a pour cadre une classe de quatrième, en banlieue parisienne. À la rentrée, un garçon très turbulent fut placé à côté d’une élève calme et studieuse. Rapidement, celui-ci prit l’habitude de bousculer sa voisine, de se servir de ses affaires et de l’insulter avec des phrases comme : « Tu pues, t’es moche, t’es bête » etc. La collégienne tint le coup jusqu’en février avant de s’en ouvrit à sa mère. Celle-ci alla voir la professeure principale et lui exposa les faits. Elle s’entendit répondre : « On a placé exprès cet élève turbulent à côté de votre fille pour que ce voisinage le calme. Que voulez-vous ? Que je demande un Conseil de discipline ? » – « Non » répondit-elle, « simplement qu’il soit changé de place et que ma demande reste entre nous ». 

Le lendemain matin, cette professeure commença son cours en disant : « Hier, j’ai reçu la visite de la maman de Z. pour que je change J. de place ». 

Résultat, toute la classe mit Z. en quarantaine jusqu’à la fin de l’année. L’enseignante reconnut devant la maman qu’elle avait fait une erreur, mais n’entreprit rien pour en atténuer les conséquences, qui frisèrent la déscolarisation. 

Ces deux situations posent la question de la réception des signalements par celles et ceux chargés par leur fonction de la protection des élèves. À remarquer que dans les deux exemples, ce n’est pas l’élève qui a signalé le problème, craignant de passer pour un mouchard (ou une balance), mais un parent.

D’un côté, il y a une difficulté à dénoncer les faits, de l’autre, l’écoute et la réponse sont défaillantes. 

Ces réticences de part et d’autre ont conduit à des situations dramatiques que l’on connaît : le suicide d’adolescents harassés d’avoir été trop longtemps harcelés par leurs condisciples et de l’avoir gardé sous silence. 

Le dernier en date, celui d’un adolescent de Poissy qui avait été harcelé sur les réseaux sociaux et n’avait pas été reconnu comme victime par le rectorat, a enfin provoqué une prise de conscience collective. Des dispositifs de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire se mettent en place. 

L’équipe de France de football vient d’ailleurs, à la demande du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, de se mobiliser contre le harcèlement scolaire à travers une vidéo. Espérons que la déclaration de l’ailier Kingsley Coman fera mouche : « Que ce soit sur les réseaux sociaux, en classe, dans la cour, en sport, le harcèlement, c’est inacceptable ».