En quittant le centre de rééducation où elle a vécu pendant 6 mois, Catherine a découvert un monde auquel personne n’aurait pu croire « avant ».

Par Catherine Lenord.

Je suis restée pendant six mois dans un centre de rééducation sans pouvoir sortir, sans être confrontée à ce dont j’entendais parler : la vie à l’heure de la pandémie.
De ma chambre, j’entendais les échos de ce monde virtuel auquel je ne croyais pas : je me disais, les magasins sont ouverts, il n’y a pas de pénurie, on peut se voir, on peut circuler… finalement, tout ne va pas si mal. Et puis je suis sortie et j’ai retrouvé le monde réel.

La première fois que je me suis retrouvée dans la rue, les paroles de la chanson de Jean-Louis Aubert me trottaient dans la tête : 

« Je rêvais d’un autre monde. Je marchais les yeux fermés, Je ne voyais plus mes pieds. Je rêvais » …

Les premiers jours, j’oubliais souvent de mettre mon masque et je subissais le regard des gens. J’étais toujours surprise par leur agressivité et ce petit mouvement de recul quand je m’approchais de trop. C’était comme si j’avais la peste.
Oui, la ville s’était réorganisée et je ne m’y sentais pas très à l’aise.

A la boulangerie, première contrariété, sur la porte un panneau accueille les clients : 
« Chers clients, le magasin ne peut accueillir que 5 personnes maximum. Merci de votre patience « .
Je devais faire la queue sur le trottoir en plein vent, un vent du nord glacial. J’étais frigorifiée et déjà, je commençais à regretter le personnel du centre de rééducation, le petit « bonjour, vous allez bien » ? à l’heure de la toilette ou du repas ! Bien au chaud.

En quittant la boulangerie, je suis passée devant une librairie qui affichait : « Contre la morosité, faites le plein de livres ». A voir la tête des gens, on pouvait penser que peu de monde suivait le conseil du libraire. Quelle tristesse sur les visages ! Ou étaient passés les rires des aides-soignantes quand elles passaient dans le couloir ?

« Je rêvais d’un autre monde. Je marchais les yeux fermés, Je ne voyais plus mes pieds. Je rêvais réalité… Ma réalité » …

En me promenant un peu plus tard, je réalisais vraiment que tous les bars et restaurants étaient fermés : La ville si vivante d’habitude était quasiment morte.
Pas de culture, pas de musées, pas de cinéma, pas de spectacle qui apportent de la joie aux plus déprimés, port du masque obligatoire, couvre-feu à 18 heures, contraventions si tout n’est pas respecté… J’avais l’impression d’être brimée, punie….
« Il faut que les gens vivent car la culture est indispensable à la vie » dit Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point. 

Alors en rentrant chez moi, j’ai allumé la radio pour me changer les idées. Une dame de 94 ans témoignait pour nous faire part de sa détresse : « Cette année, je n’ai pas pu fêter mon anniversaire avec mes petits-enfants car dans mon EHPAD, les visites étaient interdites aux moins de dix-huit ans » ! Pas moyen d’oublier la pandémie !

Toutes ces contraintes et tous ces interdits nous gâchent la vie ! Quand retrouverons-nous une vie normale sans contraintes ? La vie d’après sera-t-elle comme avant ? Des interrogations qui me laissent songeuse…

« Je rêvais d’un autre monde »...

 J’imaginais que nous étions tristement reconfinés d’année en année et que tout le monde laissait éclater sa joie dans la rue lorsque l’épidémie cessait enfin. 

Finalement, je me demande si je n’étais pas mieux dans la chambre de mon centre de rééducation… à rêver de la vie d’avant la pandémie. C’était il y a un an.