Il n’y a pas de date au-delà de laquelle l’avis d’un citoyen ne serait plus valable. Pour la justice, en tout cas. Qui peut solliciter tout citoyen inscrit sur les listes électorales pour devenir juré d’assises. C’est ce qui est arrivé à Françoise. 

Par Françoise S.

Il y a une quinzaine de jours, j’ai reçu un courrier du bureau des Élections de Rouen.

Ah ! encore de la propagande électorale ! Telle a été ma première réaction. J’avais déjà reçu tant de tracts, affichettes et professions de foi. 

De fait, non ! En regardant mieux, j’ai vu que le courrier mentionnait en objet : jurés d’assises suppléants. Stupéfaction !

Que me veulent-ils ? Mouvement de panique ! 

J’ai détaillé cette lettre officielle d’où ressortaient en lettres grasses : liste préparatoire des 750 jurés d’assises suppléants 2022. 10 jurés, impérativement.

Il était également précisé que cette lettre n’impliquait pas que je serais appelée à exercer les fonctions de juré mais que je pourrais possiblement être choisie. Pour cela, il fallait encore que je remplisse un questionnaire très précis avec des réponses « oui » ou « non » à cocher. J’ai compris qu’on pouvait être dispensé pour motif grave (physique, matériel, moral) avec des justifications.

Cela m’a en partie rassurée. Mais je n’en demeurai pas moins perturbée. Une foule de réflexions m’agitaient. 

Quelle idée saugrenue de m’envoyer une pareille proposition à mon âge. C’est la loi et j’ai été tirée au sort. 

N’est-il pas rassurant de constater que la justice ne pratique pas de ségrégation envers les anciens ? Et qu’elle les juge dignes d’assumer la fonction de juré ? Et voilà que je m’imagine dans la salle d’audience au milieu des jurés, puis, en train de décider du sort d’un prévenu qui aurait commis un crime grave. Émotion ! Et si je défaillais en plein tribunal ? Si les anciens sont supposés être devenus sages avec les années et d’antiques philosophes, il ne faut pas oublier qu’ils sont parfois plus fragiles physiquement et surtout émotionnellement. 

Heureusement, un paragraphe dans la lettre précisait encore que les plus de 70 ans ont la possibilité d’être dispensé de la fonction de jurée. Apaisement. J’ai recommencé à respirer ! 

J’ai donc envoyé ma demande de dispense à Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel, en mentionnant mon âge. Mais je l’ai remercié de sa confiance et de ne pas faire de ségrégation par rapport à l’âge, ce qui est devenu rare dans notre société