Depuis quelques mois, Madeleine Chalin, 83 ans, regarde le monde de l’Ehpad où elle vit. Malgré un mal qui la fait souffrir jour et nuit, elle continue de cogiter sur ce qu’elle observe et entend. Et parfois elle prend son stylo : « Quand j’écris, ça m’évite de trop tricoter là-dedans ». 

Par Madeleine Chalin

Petit trou 

Je ne suis pas bien sûre que l’Ehpad soit le meilleur endroit où finir sa vie. Car oui, je me sens à la fin de ma vie. J’ai dû quitter mon appartement car j’étais trop déglinguée pour continuer à y vivre seule. Et cela a été difficile. Je me l’étais approprié. Je l’avais façonné à mon idée. J’y avais fait mon petit trou. J’y avais vécu seule, divorcée et sans mes enfants. Puis, avec l’un ou l’autre de mes enfants quand les aléas de leur vie les ont ramenés chez moi. 
Dans ma chambre d’Ehpad, je n’ai pas encore réussi à faire mon trou. Il me manque le calme. J’aimerais pouvoir m’isoler davantage des voix qui proviennent du couloir et m’empêchent d’écrire ou de rêver. 
Pourquoi n’avons-nous pas imaginé d’autres habitats que l’Ehpad pour les personnes âgées comme moi ? Des grands appartements où les familles auraient pu vivre ensemble, sans se gêner, mais en veillant les uns sur les autres ? 
Je ne suis pas sûre que nous faire vivre très longtemps soit une bonne idée.   

Citoyenne du monde 

Depuis que je vis dans cet Ehpad, je ne vote plus. Mais je me sens toujours une citoyenne. Tant que j’ai encore ma tête et que je peux réfléchir, j’ai des choses à dire et à faire entendre.