Les épisodes d’inondation se multiplient dans certaines régions de France et les sinistrés se trouvent face à un dilemme douloureux : doivent-ils déménager ou pas ? Une question que se sont posés, pour des raisons moins dramatiques, les résidents de la Rose des Sables.

Revue de presse à la résidence autonomie de la Rose des sables à Rouen. 
Étaient présents : Brigitte, France, Jacqueline, Jean-Louis, Martine, Odette, Vincent et les animatrices : Edwige et Gracinda.

Brigitte : Les sinistres liés aux inondations se multiplient. Ces catastrophes naturelles durent de plus en plus longtemps et deviennent presque chroniques. De nombreuses régions sont touchées, autour de Rouen sur les bords de Seine mais aussi dans l’Yonne, dans le Pas-de-Calais, en Charente-Maritime, en Gironde. Les habitants qui sont inondés se dépêchent dès la décrue de tout reconstruire et de remettre comme c’était. Ce faisant, ils s’exposent à de nouveaux drames. 

Jacqueline : Reconstruire comme c’était n’empêche pas le problème, en l’occurrence la montée des eaux, de se poser à nouveau. La Faute-sur-Mer a subi une inondation terrible, il y a 10 ans et la mairie a eu l’intelligence de ne pas reconstruire au même endroit. A l’époque, les maisons pouvaient être bâties sur du sable ou au-dessous du niveau de la mer, c’était une ineptie. Il faut prendre des mesures même onéreuses pour éviter que les drames se reproduisent.

Odette : Dans les années 60, les gens voulaient avoir leur maison juste au bord de l’eau. Personne ne s’inquiétait alors du danger potentiel, c’était très en vogue.

Jacqueline : Les villes délivraient des permis de construire pour des terrains qui auraient dû rester inhabités.

Edwige : Le bétonisation des terrains pose un problème. A Bois-Guillaume, le moindre bout de terrain est construit, l’évacuation des eaux de pluie est problématique. Il y a 2 ans, un très gros orage a éclaté provoquant un énorme afflux d’eau. Un torrent s’est formé. Il y a eu un mort. 

Brigitte : Malgré les risques, on entend des victimes dire qu’ayant vécu toute leur vie dans une région, elles veulent y rester.

France : Quand les gens se sentent chez eux, ils ont du mal à admettre qu’ils doivent déménager.

Gracinda : On voit parfois des témoignages de gens qui ont tout perdu et qui gardent le sourire malgré tout.

Jacqueline : Il n’y a pas de schéma précis pour réagir à un drame. C’était sans doute moins grave mais j’ai une amie qui vivait à Saint-Martin-de-Boscherville dans une maison pas très loin de la Seine. C’était un lieu magnifique mais tous les ans pendant quelques jours, elle était obligée de rentrer chez elle en bateau. C’était devenu une sorte d’habitude. Quand nous étions invités chez elle, nous y allions en bateau, c’était très drôle.
C’est ainsi, il y a des gens qui sont tellement attachés à leur lieu de résidence qu’ils ne peuvent pas en partir mais à un moment où un autre, ils n’auront plus le choix. La situation climatique se dégrade, il y a le feu partout, il y aura de plus en plus d’exodes.

Gracinda : Dans les régions où les catastrophes naturelles sont trop fréquentes, certaines compagnies d’assurances deviennent réticentes à couvrir les risques.

Jacqueline : Les assurances privées ont toute une réassurance. Si la compagnie ne peut pas payer, c’est la réassurance qui paye. Les mutuelles sont limitées financièrement, elles ne profitent pas du même fonctionnement, c’est pourquoi, elles ne remboursent pas de la même manière.

Gracinda : Si les assurances se retirent et ne remboursent plus les sinistres, les gens devront déménager. 

Brigitte : Ce n’est pas évident de partir ! Et pour aller où ? Il faut de la famille, un lieu d’accueil.

Jacqueline : Personnellement, je ne m’attache pas au matériel, je pense qu’il vaut mieux partir et tout recommencer ailleurs. On peut toujours reconstruire sa vie.

Vincent : Moi, rien ne me ferait partir de Rouen. Je suis bien là où je suis. Vivre à Rouen et mourir à Rouen. 

Brigitte : Plus jeune, j’ai fait le choix de partir vivre à Paris. C’était très facile car c’était mon désir. J’ai vraiment adoré tout ce côté culturel qui m’attirait, j’en ai vraiment profité. Plus tard, quand il a fallu, je suis revenue à Rouen pour m’occuper de mes parents. Je ne le regrette pas car ils étaient extraordinaires mais c’était plus une obligation qu’un projet personnel. En revenant, j’ai trouvé la vie passablement étriquée et surtout le regard des gens sur ma façon de vivre. J’avais l’impression de devoir faire attention à ma manière de m’habiller. Je me sentais observée.

Odette : Moi aussi, j’ai tout quitté mais beaucoup plus tard puisque je venais de prendre ma retraite. Je me suis installée sur de l’ile de la Réunion pour rejoindre ma fille. Ça me faisait plaisir d’y aller. J’y suis restée 7 ans sans savoir si j’allais revenir à Rouen où j’avais toujours vécu. Ce n’était pas compliqué de partir. C’était un choix positif et dont j’ai pleinement profité ; la Réunion est tellement jolie, on vit toujours dehors.

Jacqueline : J’ai toujours pu quitter les endroits où je vivais du jour au lendemain sans éprouver la moindre difficulté. Je déménageais en moyenne tous les 4 ans dans le cadre de mon travail, j’aurais pu refuser mais j’aimais ces changements. Le fait de bouger est passionnant ; on découvre de nouvelles villes, de nouvelles amitiés, de nouvelles relations ; c’est très enrichissant. 

Martine : Je suis toujours restée en Normandie. Je suis retournée chez mes parents quand j’ai quitté mon mari ; ensuite, j’ai trouvé un appartement à St Etienne du Rouvray, au 4ème étage d’un immeuble à Château Blanc ; je n’aimais pas du tout, mais j’y suis restée longtemps. Ce n’est pas si facile de partir. Au bout d’un certain temps, on prend des habitudes et quand on est seule, les démarches sont lourdes à entreprendre. Finalement, je suis revenue sur Rouen parce que mon immeuble allait être détruit. Je n’avais pas le choix. On m’a aidée pour les démarches et je suis arrivée dans cette résidence. Je me sens en sécurité, ici.

Vincent : Je suis né à Rouen, rive gauche, et je suis parti à 25 kilomètres, à Vascoeuil dans l’Eure. Pour moi, c’était déjà trop loin. Je ne voulais pas partir, j’ai été obligé de suivre mes parents. Dès que j’ai pu, je suis revenu à Rouen. Je connais tout ici. Que j’étais heureux de retrouver mon environnement habituel !

Jean-Louis : J’ai été élevé à la crème fraiche de Normandie ! Je suis toujours resté dans la région d’Yvetot, j’y suis bien. Je n’ai jamais eu envie d’en partir. 

France : J’ai beaucoup bougé en France, d’abord enfant puis quand j’ai connu mon mari. Il était gendarme, je l’ai suivi à Évreux, à Pacy-sur-Eure et dans ses différentes casernes. Ce ne sont que des mauvais souvenirs. Quand on partait, je ne savais pas où j’allais, je suivais mon mari, c’est tout. Chaque départ était douloureux. Il fallait que je recommence tout : m’habituer à un nouvel environnement, rencontrer de nouveaux amis, commencer de nouvelles activités ? J’ai fait beaucoup de bricolage, je m’occupais, je suis très manuelle. 

Jacqueline : Quelle que soit notre volonté, nous devrons bien nous adapter aux circonstances. Des expériences sont menées dans certains pays, en prévision des modifications de nos conditions de vie. Aux Pays-Bas, des maisons flottantes ont été construites, elles montent en même temps que l’eau. C’est peut-être une solution locale. C’est une idée en tout cas.