Noter, évaluer, commenter…Toute action nous transforme en client invité à donner son avis et à partager un commentaire. Qu’on utilise des WC publics, rencontre un professionnel de santé ou dépose un paquet à la poste. Martine explique pourquoi elle fait de la résistance. 

Par Martine Lelait

Une devinette pour commencer : quel est le point commun entre un salon de coiffure, un restaurant, une location de vacances et des toilettes d’autoroute ?

Ce sont, me direz-vous, des lieux que l’on peut être amené à fréquenter, souvent d’ailleurs de manière ponctuelle, brève. Libre à chacun donc de décider d’y retourner un jour ou non, selon ses besoins, les occasions qui se présentent et l’expérience qu’il en aura eue. C’est là où le diable s’en mêle. Une mode, née notamment avec les réseaux sociaux, voudrait nous obliger à évaluer notre degré de satisfaction pour tout. Je puis ajouter à ma liste ci-dessus d’autres évaluations qui nous sont demandées : la qualité d’une communication téléphonique, l’accueil dans un bureau de poste, l’amabilité et le professionnalisme d’un vendeur Tout absolument aurait besoin d’être noté !

Mais pourquoi vouloir absolument partager, en dehors éventuellement de notre cercle d’intimes, notre expérience, qu’elle soit bonne ou mauvaise ? Nos avis sont donc tellement importants qu’ils mériteraient d’être partagés à la terre entière, à des inconnus qui s’en fichent souvent éperdument ?

D’aucuns diront que cela contribue à ce que chacun puisse se faire un avis avant de d’acheter, de consommer le même article ou d’utiliser le même service. D’autres diront que cela permet aux services publics d’améliorer la qualité de leur accueil. Peut-être… Mais comment peut-on être éclairé par des avis qui proviennent de personnes qui ont des critères d’évaluation diamétralement opposés aux siens, par des avis qui sont achetés par ceux qui veulent contribuer à leur publicité et à leur renommée ou tout simplement nuire à leurs concurrents ? A qui se fier ? 

Et que penser des commentaires malveillants, voire insultants pour certains restaurants et même certains professionnels de santé : selon l’expérience qu’on en aura, selon le diagnostic qu’il aura posé ou le traitement qu’il aura prescrit, un médecin sera jugé par certains comme profondément antipathique, incompétent quand, dans le même temps, il sera considéré par d’autres comme bienveillant et très professionnel.  Un avis ne vaut qu’à un instant T, dans des circonstances particulières et n’engage finalement que celui qui l’émet ! Et quelles sont les incidences des notations et avis portés ? Est-ce que le conseiller que l’on a eu au téléphone va se faire taper sur les doigts si l’on est mécontent de la réponse qu’il a apportée, verra-t-il sa prime diminuer ? Et si je suis insatisfaite de la propreté des toilettes de l’autoroute, est-ce de la faute d’utilisateurs peu scrupuleux sur les traces qu’ils laissent ou du personnel d’entretien qui risque de n’être pas reconduit dans son emploi ?

Pour ce qui me concerne, je vais continuer à refuser de noter qui que ce soit.