Au pays du Grand Timonier, être au chômage constitue une infamie. Pour lutter contre la discrimination sociale, des sans-emploi ont trouvé une stratégie alliant malice et désespoir…
Par Stéphane Lecompte
Mao Zedong en rirait jaune… s’il avait connaissance du stratagème utilisé par de nombreux chômeurs. L’Empire du Milieu n’est plus épargné par le chômage, qui concernerait actuellement 5% de sa population. Mais, ne pas travailler en Chine reste mal vu. Pour ne pas s’exposer à l’opprobre sociétal, certains chômeurs font semblant d’aller travailler. Des entreprises leur louent des bureaux pour la modeste somme de 30 yuans (environ 4 euros) la journée. De 10h00 à 17h00, pause déjeuner incluse, Ils occupent un lieu dédié qui, pour 3 euros de plus, peut même avoir les apparences d’un bureau de patron avec fauteuil directorial. Une photo d’eux peut servir de preuve pour leurs proches.
Parmi les adeptes de ce faux-semblant, il y a Jiawei, un jeune homme ayant perdu son emploi dans le e-commerce, et qui, depuis la faillite de son entreprise, souffrait de stress. Il reconnaît qu’il se sent mieux depuis. Mais, avertit Zhang Yong, professeur de travail social à l’Université des sciences et technologies de Wuhan, « mentir à ses proches n’est pas sans conséquences psychiques ».
Si cette mascarade reste marginale, elle atteste de l’importance dans la culture chinoise de participer au rendement collectif, dans un pays où les heures de travail vont allégrement de 9h00 à 21h00. Cependant, les mentalités évoluent. Des jeunes Chinois militent pour que leur vie ne soit pas uniquement consacrée au travail et pour que celui-ci ait du sens et soit exercé dans des conditions plus acceptables.
Pas sûr qu’au pays de Xi Jinping, ils soient entendus. La bonne vieille méthode de la dictature pourrait bien venir y mettre un bon coup de botte.