On va encore dire que je chipote avec les mots mais la distanciation, avant d’être une consigne liée au COVID, ça évoquait d’abord pour moi le théâtre de B. BRECHT ! Certes, c’est toute la comédie humaine, une tragédie même, qui est convoquée sur le théâtre des opérations et dans la troupe, les premiers rôles sont tenus par les soignants.

La nouvelle distanciation, celle « made in Covid » nous oblige désormais à respecter un écart d’au moins un mètre avec toute personne.

Un brin bravache, j’ai proclamé « ça tombe bien ! » car jamais je n’ai aimé les gens qui me parlent au ras du nez, ils empiètent dans ma sphère d’intimité et instinctivement j’ai envie de me reculer d’un pas…

De plus, depuis de nombreux mois, j’avais personnellement déjà expérimenté l’arrêt des embrassades mais avec un seul de mes proches qui est atteint d’un cancer et a donc des défenses immunitaires affaiblies ; ce fut un peu difficile au début car pas naturel et puis ça s’est imposé comme allant de soi et ça fonctionne désormais sans que j’aie besoin d’y réfléchir.

Avec le COVID, on a non seulement arrêté de bisouter tout un chacun, une tradition pourtant bien française, et que je te claque deux bises quand ce n’est pas trois voire quatre, mais aussi on a arrêté de se serrer la main. Un peu difficile là aussi au départ : ma main, comme mue par un ressort, avait pris l’habitude de s’élancer spontanément au-devant des autres. J’ai dû lui museler son instinct à cette fichue main qui voulait n’en faire qu’à sa tête. Et puis, je m’y suis faite aussi…

On se fait à tout me dit-on, mais… mais… mais… je n’ai pas envie de me faire à tout et surtout pas à ne pas approcher, toucher, palper, tripoter, patrouiller, caresser, embrasser, étreindre mon amoureux lorsque je vais le retrouver après le confinement ! Eh oui je vis avec mes propres contradictions…

Martine Lelait – 23 avril 2020