On imagine souvent que c’était mieux avant. En ce qui concerne la condition des femmes, il est clair que non. C’est ce que rappelle Françoise qui s’est plongée dans un livre de l’historienne Michelle Perrot, les Femmes et les silences de l’histoire. Et en est sortie bouleversée par le quotidien des citadines au 19e siècle. Partage de ses notes. 

par Françoise S.

Sur la Métropole de Rouen, quatre expositions ont mis en lumière quatre héroïnes, dont la peintre Berthe Mouchel. Fille d’un drapier elbeuvien, elle a, à travers ses toiles, dénoncé les maux de la société industrielle de la fin du 19e siècle et su s’imposer comme femme artiste. Une réussite étonnante quand on se souvient à quoi ressemblait la condition féminine de cette époque : les ouvrières comme les bourgeoises avaient peu de droits, surtout des devoirs, notamment celui d’être une bonne épouse et une bonne mère. Elles passaient de la tutelle du père à celui du mari et la ville leur était hostile. La preuve par ces notes glanées dans le livre de l’historienne Michelle Perrot.      

La ville particulièrement inhospitalière pour les femmes 

La seconde moitié du 19e siècle a vu la venue massive des femmes dans les villes. 
Les maisons bourgeoises avaient besoin de femmes domestiques.
En 1851, 46% des femmes seules, veuves ou célibataires vivaient en milieu urbain. Mais la ville était considérée dangereuse pour les femmes, surtout pour leur vertu.
Les jeunes domestiques, qui étaient placées dans des familles bourgeoises par leur famille, étaient souvent logées au 6ème étage des immeubles de leur patron où elles étaient confrontées à la solitude et à la séduction de leur maître…Heureusement, des associations protégeaient ces jeunes arrivantes. 
Les hôtels du midi affichaient : « interdit aux femmes seules », des fois qu’elles auraient représenté un danger pour les hommes. 
La ville fut cependant pour certaines un espace de libération, puisqu’elle leur a permis d’y trouver un travail, de rencontrer d’autres femmes avec qui partager leurs soucis et les injustices subies et de gagner en autonomie. 

Des espaces interdits aux femmes  

Au 19e siècle, la liste des espaces urbains interdit aux femmes est incroyablement longue.  
Les lieux intellectuels, tels que les bibliothèques, étaient fermés aux femmes. 
Les femmes étaient interdites de Sorbonne. Les professeurs craignaient la venue de la police si une femme se présentait dans un amphithéâtre. A l’université, elles n’étaient appréciées que pour le ménage et dans le lit des étudiants.
Les femmes étaient proscrites des salles de justice car on craignait que les procès criminels « « impressionnants » fassent tourner leur lait. 
La Bourse leur était également fermée. Pour boursicoter quand-même, les plus rusées s’habillaient en homme.
Les espaces militaires et sportifs n’acceptaient pas les femmes.
La politique était exclusivement masculine. Les femmes n’étant pas censées avoir les capacités d’être des citoyennes à part entière, comme l’avait pourtant revendiqué dès 1789, Olympe de Gouge. 
Les bistrots et estaminets étaient occupés uniquement par des hommes.
Les femmes n’y entraient que pour venir chercher leur mari alcoolisé, le jour de paie.

D’une manière générale cependant, on voyait davantage les femmes du peuple dans la rue que les bourgeoises. Il fallait bien qu’elles sortent pour faire des courses, laver le linge et chercher de l’eau aux fontaines. Certaines en profitaient pour s’adonner à quelques petits trafics. Alors pour mieux les contrôler, des marchés couverts se sont ouverts et des boutiques ont été créées. 

Les grands magasins, premier lieu vraiment accessible

Le premier lieu vraiment accessible aux femmes a été le grand magasin. A l’époque haussmanienne, il s’en est ouvert de notables qui ont inspiré Emile Zola, pour son roman « Au bonheur des dames » (1883).
Mais il accueillait surtout les bourgeoises, qui purent y exprimer leurs frustrations de femmes empêchées (d’études, de carrière professionnelle, de liberté…) en devenant des consommatrices. Les ouvrières n’avaient pas le temps de fréquenter les grands magasins, ni les moyens. Même si elles travaillaient jusqu’à 15 heures par jour (sans compter les tâches domestiques qui leur incombaient ensuite, après une longue marche à pied pour rentrer chez elles), elles gagnaient à peine de quoi survivre, leur salaire étant moitié moindre que celui des hommes.

Des femmes sur les murs des villes 

Paradoxalement, cette époque fut aussi celle où on a vu soudain les femmes être affichées sur les murs des villes. La femme est en effet devenue la muse des publicitaires, affichistes et peintre de l’art nouveau. Alphonse Mucha (1860-1930) est connu pour ses magnifiques affiches ayant une femme comme sujet. 

3 figures de femmes remarquables et inspirantes 

  • George Sand 1804-1876

Romancière, femme engagée, pionnière de la pensée féminine, elle a participé par sa vie, son exemple, ses romans, à l’émancipation des femmes. Elle s’habillait parfois en homme.

  • Louise Michel 1830-1905

Figure de la commune de paris 1871, l’enseignante et écrivaine a milité pour l’éducation des femmes et leur syndicalisation.
Elle a notamment écrit :
« Si l’égalité entre les hommes et les femmes était reconnue, ce serait une fameuse brèche contre la bêtise humaine. Jamais, je n’ai compris qu’il y eut un sexe pour lequel on cherchât à atrophier l’intelligence ».

  • Berthe Mouchel 1864 -1951

L’artiste-peintre, originaire d’Elbeuf, a, à travers ses immenses tableaux, dénoncé les maux de la société industrielle. Elle a mené des actions de bienfaisance et enseigné la peinture aux femmes.