Auto-proclamée porte-voix des vieux qui ne se résignent pas à vieillir dans l’oubli, la journaliste Laure Adler a écrit et réalisé un documentaire, diffusé en février dernier sur France 2, la Révolte des vieux. Marie l’a regardé avec trois amies et n’a pas été emballée. 

Par Marie H. 

Madame Laure Adler, journaliste de son état, nous conseille d’avoir la vieillesse pimpante, le grand âge primesautier et de rester « glamour ». Un beau programme pour bien vieillir ; elle y a consacré un documentaire pour la télévision intitulé sobrement, « La révolte des vieux » mais diffusé à partir de 22H55. Cet hymne à la vieillesse a réussi, hélas, à endormir les trois octogénaires qui squattaient mon canapé ce soir-là. S’adresser aux vieux, ex-seniors, passé vingt-deux heures et espérer être entendue, sinon approuvée, relève de la gageure. Restée éveillée, j’ai pu admirer l’élégante silhouette de Madame Adler, une blonde de soixante-douze printemps. Je ne me suis endormie qu’après avoir rencontré, en sa compagnie, le philosophe centenaire Edgar Morin, les historiennes nonagénaires Mona Ozouf et Michèle Perrot. Je n’ai pu qu’apprécier leur bonne forme physique et intellectuelle.

Auparavant, un groupe d’adolescents interrogés sur les sentiments que leur inspirait la photo d’un couple de vieillards, se sont récriés et les ont trouvés « très moches », ce qu’ils étaient. Je fus rassurée de les entendre louer la gentillesse de leurs grands-mères chéries. Braves petits.

La gérontophobie est un nouveau racisme. Les vieux comme les pauvres sont des invisibles. Pour être tolérés, ils doivent positiver. O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie, ne sont plus de saison. Marchez, nagez, visitez, tik-tokez, bénévolez…Se révolter bien sûr, mais pas trop quand même. Une révolte raisonnable. Une qui vous permettra de trottiner dociles vers la mort sans trop déranger. Les vieux, de plus en plus vieux, de plus en plus nombreux, pourraient devenir une gérontocratie et s’emparer, quelle horreur, du pouvoir. Est-ce souhaitable ? Non.

L’avenir appartient aux jeunes et à la nouveauté ; or, la nouveauté, comme chacun le sait, a toujours raison. Nous les vieux, contentons-nous de vivre plutôt qu’exister façon légume. Suivons le conseil du philosophe André Comte-Sponville : « Ne laissons pas la mort nous enlever l’amour de la vie ».

En ce jour, dimanche 5 mars, fête des grands-mères, je laisse à Damien, cinq ans, le soin de conclure : « Ma grand-mère est une dame toute ronde avec des joues roses et des traits sur la figure ; elle a des cheveux tout blanc. Elle me raconte et me lit des histoires. Elle fait beaucoup de gâteaux très bons et des confitures de toutes les couleurs. Elle a un jardin où je peux faire des bêtises et cueillir des fraises et des framboises. Je joue à cache-cache avec les enfants du voisin, on s’amuse bien et on rit beaucoup. Dans sa maison, il y a un chat, Pacha, il ne faut pas lui tirer la queue sinon il griffe. J’aime bien rester chez ma grand-mère, elle ne me punit jamais ».

Comme quoi les vieux ne sont pas forcément une calamité…