Discussion croisée 
La journée nationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre a incité Mathilde, Kathleen et Sarah, trois étudiantes en BTS économie sociale et familiale à engager une discussion sur le sujet avec les résidents de la résidence Trianon. Mais le 25 novembre correspond aussi à la Sainte-Catherine, une fête désuète que beaucoup d’étudiantes découvrent. 

Étaient présents :
Résidents de la résidence Trianon : Alain, Brigitte, Chantal, Christine, Daniel, Evelyne, Lucette, Joëlle, Odette, Odile, Marie-Claude, Monique, Patrick, Sabine, Thierry, Viviane et Elena (animatrice).

Étudiantes en 2ème année, BTS économie sociale et familiale : Anaïs, Astride, Aurélie, Chaïma, Chloé, Cirianne, Coralie, Élisa, Éloïse, Lena, Jeanne, Johanna, Juliette, Isabelle, Katinian, Kathleen, Mathilde, Mulan, Sarah, et Margaux (professeur).

Extraits des échanges.

Sarah : Tous les ans, le 25 novembre, est célébrée la fête des Catherinettes qui met à l’honneur des femmes âgées de 25 ans ou plus, encore célibataires. Pour l’occasion, elles portent un chapeau vert et de jaune. Ces femmes sont invitées à prier Sainte-Catherine afin de trouver un mari. Pour les hommes, la Saint-Nicolas remplit la même fonction mais la fête s’est beaucoup moins développée.

Margaux : Dans le Pas-de-Calais, on célèbre encore la Sainte-Catherine. Les petites filles se partagent des cartes postales porte-bonheur censées leur permettre plus tard de rencontrer l’amour conjugal. J’ai été surprise en arrivant en Normandie, que cette fête soit oubliée et que mes étudiantes ne la connaissent pas.

Marie-Claude : Cette célébration sous-entend que la femme doit se marier et qu’elle doit rester vierge jusque-là. C’est une manière de donner le pouvoir au mari.

Odile : Je me souviens avoir été « célébrée » à la Sainte-Catherine, je ne l’ai pas bien vécu, on s’est moqué de moi.

Christine : Je me souviens aussi de ces moqueries. A l’époque, les femmes qui refusaient de se marier, comme moi, étaient montrées du doigt !

Sarah : C’est une fête humiliante.

Élisa : On n’a pas forcément besoin d’un homme pour être heureuse.

Kathleen : Mais le 25 novembre est surtout connu aujourd’hui pour être la journée nationale contre les violences faites aux femmes. C’est beaucoup moins anecdotique. Le Grenelle contre les violences conjugales a permis de faire adopter des mesures en faveur de la protection des femmes en 2021, c’est un progrès. Les violences conjugales ont toujours existé, mais les violences faites aux femmes, en dehors du couple, sont également reconnues à présent. 

Christine : Il y avait moins de problèmes, il y a une cinquantaine d’années.

Odile : Je crois surtout que l’on en parlait moins.

Joëlle : C’était difficile de le faire, il n’y avait nulle part où s’adresser, on ne pouvait même pas aller à la gendarmerie.

Patrick : Aujourd’hui, le problème est beaucoup plus repéré ; les médias en parlent plus.

Viviane : De même que tout ce qui concerne la violence sur les enfants, les incestes.

Élisa : La loi a changé également.

Éloïse : Malgré tout, le sujet reste compliqué à aborder et il est toujours mal vu de se plaindre. Beaucoup de problèmes ont été tus trop longtemps et trop de femmes ont pris l’habitude de se taire. Pour celles qui osent aller en justice, elles doivent être prêtes à voir leur parole remise en question. C’est difficile.

Christine : J’ai travaillé comme DRH dans la fonction publique. Je me souviens que les « femmes battues » étaient mal considérées. On estimait qu’elles étaient la cause du problème. Le milieu était masculin mais même les femmes de l’entreprise contribuaient à une forme de mise à l’écart.

Jeanne : Par rapport à une cinquantaine d’années, ça s’est amélioré, mais ce ne sera jamais parfait !

Christine : Aujourd’hui, on parle plus facilement et l’égalité entre femmes et hommes est devenue un vrai sujet. Pour qu’une femme soit l’égale de l’homme, on considère qu’elle doit être capable d’effectuer les mêmes tâches comme porter des charges lourdes, mais ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnent. Il faut adapter les conditions de travail.

Aurélie : Je n’ai pas envie qu’on pense que j’ai besoin d’un homme pour faire ce qu’il y a à faire. Et s’il y a des tâches physiques à effectuer, j’ai envie de m’en charger moi-même.

Margaux : Il reste des problèmes de vulnérabilité au travail mais aussi dans la rue. On sait bien que les étudiantes que nous encadrons se sentent fragiles dehors.

Jeanne : Il ne faut jamais être seule.

Élisa : Les femmes ne vont pas dans les lieux où elles se sentent en danger.

Anaïs : Ces problèmes sont vite abordés, vite oubliés, on les évoque sans les traiter.