Depuis le 1er janvier 2022, le contrat d’engagement républicain s’impose à toute association qui perçoit ou demande à percevoir des fonds publics ou des subventions. A première vue, l’idée ne semble pas mauvaise, mais à y regarder de plus près, ce contrat n’est pas sans poser différents problèmes.
Par Martine Lelait
De quoi s’agit-il ?
C’est une loi du 24 août 2021 (complétée par un décret du 31 décembre 2021) qui conforte le respect des principes de la République et qui oblige désormais les associations et fondations à souscrire un contrat d’engagement républicain dès lors qu’elles prétendent obtenir un agrément de l’État ou une subvention publique.
Derrière cette loi, il y a bien sûr un souci évident de lutter contre toutes les formes de séparatismes, contre les mouvements à caractère sectaire et de donner à la République les moyens d’agir contre ceux qui voudraient la déstabiliser. Difficile de s’inscrire en contradiction avec cet objectif !
Aussi le contrat comporte-t-il sept engagements tous aussi forts les uns que les autres :
-respect des lois de la République et notamment son caractère laïque
-liberté de conscience
-liberté des membres de l’association
-égalité et non-discrimination quels que soient le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation, une prétendue race ou religion
-fraternité et prévention de la violence, civisme, rejet de toute forme de racisme, d’antisémitisme
-respect de la dignité de la personne humaine
-respect des symboles de la République que sont le drapeau tricolore, l’hymne national et la devise de la République.
Pour ce que je connais des associations auxquelles je participe, ces principes ne sauraient être remis en cause et sont effectivement à l’œuvre partout, il y va des valeurs mêmes qui sont défendues par ces associations. Je ferai peut-être une exception pour le 7ème et dernier engagement car, sans être nullement dénigrés, le drapeau et l’hymne national ne font pas partie à ma connaissance de la « panoplie » associative au quotidien.
Alors où le bât blesse-t-il ?
Avant même d’être voté, ce projet de loi avait fait l’objet de nombreuses critiques de la part entre autres, du Haut Conseil à la Vie Associative, de la Commission Consultative des Droits de l’Homme, de la Défenseure des droits…
En effet, le décret a beau préciser que « ces engagements sont souscrits dans le respect des libertés constitutionnellement reconnues, notamment la liberté d’association et la liberté d’expression dont découlent la liberté de se réunir, de manifester », les associations qui « s’engagent à n’inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public », auront-elles encore la possibilité de jouer leur rôle d’interpellation, de lanceur d’alertes, voire de contestation ? Là me semble être la question primordiale sur le fond.
N’est-ce pas en ayant œuvré, parfois dans l’illégalité, que des associations pionnières ont contribué à faire évoluer les mentalités et la loi ? Je pense tout particulièrement au Planning Familial qui a fait avancer la reconnaissance de la contraception, de l’avortement. Cette disposition du contrat d’engagement républicain me semble de nature à freiner l’initiative associative et son envie de transformation de la société.
Autre disposition contestée, celle introduite par le décret et qui fait peser une charge qui semble démesurée sur les dirigeants associatifs qui pourront être tenus responsables des agissements de leurs salariés, de leurs membres et des bénévoles et en subir les conséquences en termes de retrait d’agrément ou de subvention. On sait que l’engagement associatif bénévole est davantage le fait des seniors et que la relève dans les conseils d’administration est parfois difficile à trouver ; le législateur voudrait décourager les volontaires qu’il ne s’y prendrait pas autrement…
Enfin, sur la forme, ce contrat tend à instituer pour l’administration un réel pouvoir arbitraire d’interprétation et de sanction y compris financière puisque ne sont prévues ni voies de recours, ni procédure de Justice.
Aujourd’hui des associations ont commencé à signer, bon gré, mal gré, « le couteau sous la gorge » sans pouvoir discuter, en ayant le sentiment d’une part de défiance de l’administration à leur égard et d’autre part de n’avoir aucun autre choix puisqu’il y va de leurs subsides et donc de leur survie…Le Mouvement Associatif qui s’apprête à porter un plaidoyer en 13 propositions fortes auprès des candidats à la présidence de la République, milite pour l’abrogation de ce contrat d’engagement républicain au profit d’une charte d’engagements réciproques. Le débat n’est donc pas clos