La vision d’un loup en Normandie inspire Marie. Elle se souvient de la fable de Lafontaine, du conte de Perrault et aussi des frissons, pas seulement de peur, qui lui inspirait enfant, le fier animal. 

par Marie H. 

Récemment, un chasseur normand qui circulait, à jeun, sur ses terres a aperçu au loin un grand chien qui, vu de plus près, s’est révélé être un loup. Tous deux se sont observés et ont décidé, sagement, de partir chacun de son côté. Le loup serait-il arrivé en Normandie ? 

Le loup est un animal craintif et discret. Sa puissante mâchoire en fait un prédateur redoutable. Le plus souvent, le loup vit en meute ; lorsque celle-ci devient trop importante, de jeunes mâles vont tenter leur chance ailleurs et fonder une nouvelle meute. Cet animal à la beauté sauvage a été célébré par les poètes. La Fontaine en a fait un modèle de fière indépendance, ennemi du collier, symbole de servitude.

« Attaché ? Vous ne courez donc pas où vous voulez ? » demande le loup au chien de la fable. La réponse négative du chien fait fuir Maître Loup.

Un des problèmes du loup, c’est son manque de culture, il ne sait pas lire et ne sait donc pas lire les panneaux indiquant qu’il passe les frontières. Le plus répandu en France est le loup « jaune » (environ 30 kg), originaire d’Italie et d’Espagne. Le loup nordique atteint facilement cinquante kilos, son poil plus long et plus fourni est gris ; il est rare en France.

Le loup a un point commun avec nous autres humains : il apprécie le mouton, plus pour sa chair goûteuse que pour sa laine dont il n’a pas l’utilité. Les éleveurs redoutent son appétit et ses ruses. Était-il nécessaire de réintroduire le loup en France, après l’avoir combattu pendant des siècles et avoir « réussi » à l’exterminer ? N’étant pas bergère, je me garderai de prendre parti. Quant à l’adage latin « l’homme est un loup pour l’homme », je le trouve offensant pour le loup qui ne tue que pour se nourrir et, s’il se bat avec ses congénères, ne les tue que par accident.

J’ai, dès mes cinq ans, trouvé le Petit Chaperon Rouge stupide d’avoir pu confondre, même au fond d’un lit et atteinte d’une forte myopie, le loup et sa grand-mère. Son interrogatoire « grand-mère pourquoi avez-vous … etc. » , d’une bêtise trop grande pour être vraie. La férocité et la voracité du loup me paraissaient justifiées. L’enfance est sauvage et sa crédulité a des bornes.

Un peu plus tard, vers mes huit ans, j’ai connu une dame très âgée, encore alerte, qui me racontait que lors de l’hiver 1870, un hiver de guerre glacial et neigeux, au cœur de ses Ardennes natales, une meute de loups affamés rôdait, la nuit venue, autour des étables. Elle se souvenait de son effroi lorsqu’un soir elle en avait aperçu deux dans la cour de la ferme. La famille s’était barricadée et avait épié, anxieuse, les bruits de la nuit derrière les volets clos. Au matin, la trace de leurs pattes dessinait un entrelac dans la neige. J’avoue que ces loups, dont j’avais exigé une description minutieuse, m’ont occupée plusieurs nuits. Dans mes rêves, je les voyais se diriger lentement vers mon lit, s’arrêter au milieu de la chambre et me fixer de leurs yeux clairs et brillants. Je me réveillais déçue de ne pas avoir pu les caresser.

Que voulez-vous, j’ai toujours préféré ceux qui hurlent avec les loups à ceux qui aboient et jappent avec les chiens pendant que la caravane passe, majestueuse, dans le lointain.