En cette période marquée par des conflits dont les échos sont de plus en plus inquiétants, les résidents de l’Ehpad Saint-Joseph ont cherché à comprendre comment faire pour vivre ensemble malgré toutes nos différences.

Revue de presse de la résidence Saint-Joseph de Sotteville-lès-Rouen. 
Avec : Christiane, Danièle, Fernande, Françoise, Germaine, Jeannine L, Jeannine B, Lionel, Lucienne, Lucette, Marc, Odile, Roger et Régine, animatrice.

Françoise : Pourquoi choisit-on de faire la guerre ou pas ? S’il existe des conflits entre certains peuples, ils ne devraient pas donner naissance à de telles violences. Ce sont davantage des luttes de domination qui nécessitent beaucoup d’argent et seules de grandes puissances économiques, quelles qu’elles soient, peuvent les soutenir. Je ne suis pas sûre que le bonheur des peuples soit leur première préoccupation, elles défendent avant tout leurs propres intérêts. Si ça les arrange, elles sont d’un côté, sinon, elles sont de l’autre. S’il n’y avait pas tout cet argent, les gens ne se battraient pas comme ils le font.

Marc : On voudrait parler d’autre chose, la guerre cause du tort à tout le monde.

Jeannine B. : Comment se dégager de cette violence qui nous entoure ? Je voudrais prendre du large. J’ai été élevée dans une famille très aimante, j’ai vraiment eu de la chance. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous habitions dans la Manche, la région a été sinistrée, tout a été détruit. J’ai couché pendant deux mois dans des tranchées. Dans ma ville, des juifs ont été arrêté, ils étaient venus de l’est de la France pour se réfugier chez nous mais la guerre les a rattrapés. Je sais que certains d’entre eux ont réussi à s’échapper en zone libre. Je n’ai jamais compris pourquoi on s’en était pris à eux. J’ai toujours été choquée à l’idée que des gens qui n’avaient rien fait puissent être arrêtés du fait de leur religion ou de leurs idées. Pourquoi les gens s’entretuent ? C’est incompréhensible.

Françoise : On a toujours reproché aux Juifs d’être riches, c’est quelque chose que j’ai entendu dire sans jamais y prêter attention. Je n’en ai pas tenu compte.

Daniele : Quand les gens gagnent de l’argent en travaillant, je ne vois pas où est le problème.

Odile : Quand on est différent, au lieu de se battre, il faut s’écouter. On a toujours quelque chose à apprendre de l’autre. 

Marc : La liberté d’expression, c’est important. Les problèmes naissent souvent de notre incapacité à accepter l’opinion des gens. Ce n’est pas une solution de s’attaquer à quelqu’un à cause de ces idées ou de ce qu’il représente. Je pense à l’attentat d’Arras. On ne peut quand même pas assassiner un homme parce qu’il fait simplement son métier. Pourquoi ce professeur a été attaqué ? Parce qu’il est enseignant ? Parce qu’il est français ? Et comment doit-on réagir ? Comment juger cette personne qui l’a tué ?

Françoise : Cette attaque, c’est vraiment troublant.

Régine : Les résidents de l’Ehpad ont été très affectés par cet assassinat ; un grand sentiment d’oppression se développe.

Roger : Il y a des personnes qui profitent de la bêtise humaine pour diviser les gens.

Germaine : Les rapports ne sont pas simples entre les personnes.

Lucette : Aujourd’hui, on a l’impression qu’il faut faire attention à tout.

Roger : Quand je me sens exclu, je reste à l’écart et je préfère ne pas en parler.

Odile : C’est le contraire qu’il faudrait faire. On doit continuer à se parler et avoir des discussions. Hélas, la majorité des gens ne pense pas comme ça.

Jeannine B. : C’est pourtant essentiel. 

Jeannine L. : Les gens haut placés n’écoutent pas, c’est pas nous, avec nos petits moyens qui pouvons changer les choses. 

Marc : On peut intervenir chacun à son niveau. Quand j’étais commerçant, il y avait du dialogue dans mon magasin, mais il fallait aussi savoir dire stop quand quelqu’un cherchait des histoires. Je gérais un supermarché sur l’Île Lacroix à Rouen. Dans le quartier, il y avait des gens très différents, les plus riches pouvaient être assez exigeants, il fallait leur faire comprendre qu’ils n’étaient pas seuls au monde. On ne pouvait pas se consacrer à eux.

Christiane : Les gens peuvent très bien s’entendre, même quand ils sont différents. Mon mari était un Juif polonais. Je ne le savais pas en le rencontrant dans la mesure où il était très intégré. Quand nous avons commencé à nous fréquenter, j’étais déjà mariée et mère de trois enfants. C’était une situation compliquée, d’autant que nous n’avions pas la même religion et nos habitudes de vie étaient vraiment différentes. Ce n’était pas facile à accepter pour mon entourage. Pourtant, ce second mari a été très bien accueilli et particulièrement par ma mère, je n’en revenais pas. Plus tard, je me suis rendue en Pologne avec mes enfants pour rendre visite à sa famille ; tout le monde a été très gentil avec nous, c’était formidable. Il n’aurait pas fallu grand-chose pour que notre histoire ne puisse pas durer.

Françoise : On peut vivre bien ensemble, il suffit de s’entraider.