Nous sommes dans la 5ème semaine de confinement. Comme tous, j’ai des frustrations mais je compense l’éloignement de famille et amis, le manque de divertissements, par les technologies modernes
Je suis assise à la fenêtre. Le ciel est bleu d’azur ; il fait plus frais qu’hier. Je respire à pleins poumons. Quelle chance ! Beaucoup ont des difficultés respiratoires à cause de Corona.
J’ai une vue panoramique sur la Grand-Mare, Darnétal, le bois du Roule, et le bois Bagnères.
Un petit vent printanier me caresse doucement.
Mon quartier est très calme, surtout animé par les cris d’oiseaux que j’essaie d’identifier. Toujours étonnée par l’harmonie de leur concert. Mais où est le chef d’orchestre avec sa baguette magique ?
J’entends le pouillot véloce qui ne joue que deux notes.
Un peu feignant celui-là !
Sur la gauche des poules de toutes couleurs se promènent à la recherche de graines sur un terrain sablonneux.
Face à moi, des maisons hétéroclites grimpent doucement la colline qui mène au Panorama sur la ville.
Que de verdure autour du parking : hêtres, platanes, et aussi acacias qui diffusent un parfum sucré au mois de mai. Joli mois de mai quand reviendras-tu ?
Je languis en observant ma voiture crasseuse comme jamais, car lavage interdit à la station-service.
De mon perchoir, je vois la tour de l’église de Carville où Henry IV aurait failli se faire tuer d’un boulet de canon pendant les guerres de religions.
C’était un peu tôt ! Oui, comme tous ceux qui font partie des statistiques mortuaires. Ce n’était pas le moment et pourtant !
Je sors de ma rêverie solitaire comme celle de Jean-Jacques Rousseau vieillissant.
J’avais la tête dans les quelques nuages cotonneux, je suis retombée brutalement sur la terre. Je pense à tous ceux qui souffrent de la pandémie, de la perte d’un proche, du confinement, de la violence, de la peur de l’avenir.
Je me dis que j’ai de la chance : je suis en assez bonne santé compte tenu de mon âge certain. Bien que craignant que nous pétions les plombs, l’ambiance domestique est bonne, l’immeuble est tranquille et le quartier paisible. Il faut toujours rester positif et penser qu’il y a pire que nous. On me disait souvent quand je ronchonnais : « regarde toujours en dessous de toi ! ».
Une pie solitaire vient de se poser sur une branche mouvante de hêtre et elle me dit « Bientôt vous aussi vous serez libres ! » Oui mais à quel prix ? Une grive musicienne me crie : « plus vite plus vite ! »
Le déconfinement sera progressif et imposera masques et gestes barrières. Actuellement, beaucoup ne respectent pas les consignes. Nous aurions pu éviter cette hécatombe et les difficultés de l’après-déconfinement.
Dès le début, il aurait fallu se protéger pour soi-même et les autres.
Pourquoi imposer seulement ces mesures après le 11 mai ? C’était si facile de se couvrir le museau.
Maintenant, ce n’est pas un masque en tissus, mais une muselière qu’il me faut car je suis enragée ! Dommage je me sentais si bien …
Françoise S. le 24 avril 2020.