Quand les articles des Curieux Aînés en inspirent de nouveaux…C’est ce qui s’est passé pour Françoise, qui, à la lecture de : « Revisiter son enfance pour mieux vivre aujourd’hui », a eu envie de partager ses souvenirs de colonies de vacances. Un retour dans les années 50 et les goûters faits de tartines et café au lait.

Par Françoise S.

Entre 9 et 11 ans, mes parents m’ont envoyée en colonie d’entreprise près de Limoges.                       
Point de départ : boulevard Richard Lenoir à Paris. Brève connaissance avec les partants. Quelques heures de train puis arrivée dans le vaste parc avec château néo-gothique du 19e siècle, revêtu de lierre et entouré de magnolias et d’hortensias, avec dépendance et bassin.  Accueil.
Répartition des groupes par tranches d’âge et par sexe dans de vastes chambres d’une dizaine de lits. La mienne était très éclairée et était pourvue d’une immense cheminée de pierre ornée de deux lions.

Chaque moniteur portait un nom choisi par les enfants. Une monitrice adorable s’appelait Perruche, mon frère, moniteur qui grimpait vite aux arbres, était Écureuil.             
Une année, nous avons eu les mousquetaires : d’Artagnan, Aramis, Athos et Porthos.                      
Une autre année, ce furent les noms d’hommes et de femmes célèbres qui furent distribués : ma monitrice s’appelait Maryse Bastié, une aviatrice.                  
Le directeur, grand et mince, m’avait surnommée la sauterelle d’Égypte » car je sautillais tout le temps.

C’est en colonie que j’ai commencé à me sentir libre et autonome. Enfin plus les parents sur le dos, surtout maman avec ses « fais pas ci, fais pas ça ». La sauvageonne s’est un peu libérée…

Comment se passaient nos journées ?                            
Lever, toilette de chat en commun autour d’une grande vasque. Il nous est arrivé de nous laver à l’eau fraîche dans le parc. Un peu à la dure ! 
Petit-déjeuner dans la dépendance devenue cantine.  
Activités diverses. Promenade champêtre en chantant dans la rosée du matin. Quel plaisir !
Le midi, une clochette nous invitait pour le déjeuner à la cantine. Chaque jour, un groupe préparait une scénette pour faire deviner le menu. C’était quelquefois drôle et même anatomique. Le groupe le plus rapide gagnait un point et nous tirait vers le sommet.

Après-midi, la sieste puis le goûter : café au lait tartines sous le tilleul au parfum entêtant.
Je me souviens des activités sportives l’après-midi, particulièrement d’un parcours où il fallait passer sous un filet avec une cuillère dans la bouche, contenant un œuf frais, et aussi des courses-relais, munis d’un bâton.     
Il m’arrivait de me promener seule dans le parc où je découvrais les amours naissantes des moniteurs. Elle s’appelait Panthère et lui ressemblait à Marcel Cerdan.    
Il me disait : « Tu fais la solitude ? ». J’aimais étudier les sauterelles et les scarabées. 
Un jour, j’ai entendu hurler un cochon dans la ferme voisine et cette dure réalité paysanne a choqué la petite urbaine que j’étais.

Le soir, douche au sous-sol. Et cris poussés par les filles quand les garçons qui venaient jeter un œil. 
Dîner. Les navets et les soupes à la citrouille restent un mauvais souvenir.  
Les soirées étaient remplies de chants, de rondes dont la danse du tapis, de jeux collectifs, de promenades à la fraîche dans la campagne. Nous cueillions des joncs avec lesquels nous faisions des paniers.  
Nous préparions aussi la fête de la colonie qui avait lieu à la fin du mois : nous inventions des sketches, préparions nos déguisements…  
Une année, je me suis déguisée en marguerite pour la danse des fleurs, une autre année en nain Atchoum pour entourer Blanche-Neige (qui était la fille la plus jolie de toutes !).  
Une année, je jouais dans un sketch où je devais donner une claque à un garçon. Comme il m’agaçait dans la réalité, je n’ai pas fait semblant de le gifler. 
Les villageois, qui parlaient encore le patois régional, étaient invités à cette fête. Je me souviens d’un petit garçon tout intimidé qui portait un chapeau avec un large bord.                  
Mes parents furent présents une année, aussi.

J’avais un amoureux : H., un petit blond aux yeux verts que je trouvais charmant. Il réservait quelque biscuit ou fruit de son goûter ou dessert pour me l’offrir en cachette. A la fin du séjour, je le revois retournant dans sa famille d’accueil, revêtu de son élégant blazer bleu marine. Nous nous séparions un peu tristes mais nous nous sommes écrit pendant trois années.                                   
J’envoyais des cartes postales dont l’une d’elles représentait deux enfants sous un parapluie avec la mention : « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Notre premier contact avait eu lieu sous un saule-pleureur. 
Au retour de ma seconde colonie de vacances, j’ai annoncé à une amie de la famille : « Je vais me marier avec H. ». Celle-ci m’a répondu : «Tu en riras quand tu seras grande ». Pourquoi les grandes personnes ne croient-elles pas les enfants ?  
La dernière carte que j’ai reçue de H. était écrite d’une encre violette et m’annonçait : « J’ai eu mon certificat d’études ».

Lors de ma dernière année de colonie, et suivant le décès prématuré de mon père, un accident m’a bouleversée.  Une petite fille a été bousculée et s’est cognée la tête sur une marche : elle est décédée à l’hôpital le lendemain. J’ai dû témoigner au commissariat.

J’ai appris à cette occasion que la vie n’était pas un long fleuve tranquille, mais ces mois de colonie m’ont cependant laissé un doux souvenir des jours heureux !