Dans les années 80, le terme « trouble bipolaire » est venu remplacer l’appellation « maladie maniaco-dépressive ». Ce n’est pas pour autant qu’on connait beaucoup mieux les causes de cette maladie psychiatrique. Le terme est aujourd’hui galvaudé et on confond souvent la bipolarité avec cyclothymie, schizophrénie, dépression ! 
Jean (le prénom a été modifié) est né en 1975, sa bipolarité a été détectée à l’âge de 20 ans. Une vraie bipolarité, un fardeau qui, comme il le dit lui-même, lui gâche la vie.

Par Ninja

Jean a grandi dans une ferme, avec ses parents. Sa naissance prématurée a été un peu compliquée mais elle n’a pas laissé de séquelles apparentes. Jean est cependant d’une nature nerveuse, il joue seul le plus souvent et se crée tout un univers de Play mobil. Plus tard, c’est un monde de docteur et de laboratoires qu’il s’inventera.
Jean a un frère de deux ans son cadet. Benoit n’est pas joueur et reste toujours « collé » à ses parents. Les deux frères se chamaillent comme deux enfants.
Vers l’âge de 9 ans, un grand incendie ravage la ferme familiale. Jean voit sa maison brûler, le choc est violent. Le petit garçon ne veut plus vivre dans cet endroit, il part pour être hébergé chez un oncle. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’il retourne avec ses parents.
La vie reprend son cours habituel mais un jour, le traumatisme remonte : Jean se paralyse, se renferme sur lui, on doit l’installer dans un fauteuil roulant. Ses parents, désemparés, consultent des professionnels de santé. Personne ne sait très bien ce qu’il a, mais, malgré toutes ces difficultés, Jean réussit à suivre une scolarité normale. Son état s’améliore. 

Mais à 15 ans, deuxième tsunami : le père de Jean tombe gravement malade. On lui diagnostique une leucémie. La mère ne cesse de pleurer et Jean, hypersensible, lui dit : « Maman arrête de pleurer tu vas faire mourir papa plus vite ». Le père se battra 10 ans contre le cancer avant de mourir.

Sans doute pour échapper à la maladie et aux pleurs, Jean ressent un besoin d’autonomie et fuit le foyer familial. Il commence à travailler pendant les vacances pour se faire de l’argent de poche. Il devient plus sociable, très attachant, séduisant, c’est l’époque des copains et des copines. Il obtient son bac.

Parallèlement, des épisodes de grandes violences se déclarent. L’existence de Jean est plus en plus instable, il a de mauvaises fréquentations, il se drogue et dépense l’argent sans compter. Il part travailler à Marseille avant de revenir dans sa région natale. Les crises de délire et de violence se multiplient.

C’est seulement à cette époque que le diagnostic tombe : Jean est bipolaire au troisième degré, le maximum. 
On met en place un traitement adéquat qu’il ne suit pas toujours. C’est un problème que l’on rencontre souvent avec ce genre de trouble. La personne concernée sait qu’elle a besoin de médicaments, mais il y a des effets secondaires pénibles à supporter, lenteur, surpoids… si bien que la tentation est grande d’arrêter de prendre ses médicaments dès que ceux-ci font de l’effet et que l’on se sent mieux. Il est pourtant important de suivre son traitement en permanence pour en tirer vraiment un bénéfice.

Une fois le diagnostic posé, la situation de Jean s’installe dans un fragile équilibre. On sait qu’il est malade, on ne sait pas quoi faire. Sa mère seule se débat entre les psychiatres et les associations.
L’incompréhension s’installe. Vivre avec un trouble bipolaire, c’est vivre seul… en marginal.

Malgré tout, Jean a pu conserver un travail, mais vers l’âge de 40 ans, son entreprise décide de se séparer de lui. Il y avait trop d’absences. Il ne touche pas l’allocation handicapée, sa retraite est de 600 euros 

Aujourd’hui, Jean vit avec une amie, instable comme lui, empathique et qui lui apporte un peu de bonheur et d’affection. Il est sous curatelle, incapable de gérer son budget, l’argent lui « flambant entre les doigts ». Sa mère et son frère compréhensifs, aimants, vivent près de lui. Chacun a accepté cette différence et chacun suit son chemin, avec souvent l’épée de Damoclès au-dessus de la tête…

Jean répète souvent que le mal dont il souffre lui a gâché la vie. La bipolarité est une maladie sous-terraine qui apparait la plupart du temps à la suite de drames ou de comportement « à risques » comme l’abus d’alcool ou la prise de stupéfiants.
Comment les troubles de Jean sont-ils apparus ? A cause de sa naissance prématurée ou des événements qu’il a connu durant sa jeunesse ?
Comment être certains que la bipolarité a des causes génétiques ou pas ? Chacun a ses convictions.
Comment pouvons-nous aider tous ceux qui, comme Jean, vivent avec le poids et les incertitudes de cette maladie ? 
Contrairement à d’autres personnes souffrant des mêmes symptômes, Jean mène une vie sociale et bénéficie du soutien familial et du réconfort que lui apporte son amie. Cet environnement favorable lui est très précieux mais sera-t-il toujours suffisant ? Difficile à dire.