Marie a écrit un texte sur un souvenir d’école qui nous a donné envie de lancer une série d’articles autour de ce thème. Ce 1er épisode marque donc le début d’une série ouverte à tous ceux qui voudront partager dans les pages des Curieux Aînés un souvenir ancien ou récent, un souvent d’enfant, un souvenir en tant que parent ou grand-parent.

Ma première école

Par Marie H.

J’avais six ans et j’entrais à la « grande école », en réalité une petite école de campagne, située entre l’église et la mairie du village. La salle de classe sentait la craie et l’encre. Avec la craie la maîtresse traçait des lettres et des chiffres sur un grand tableau noir et une élève versait l’encre violette dans de petits encriers de porcelaine blanche à l’aide d’une cafetière en émail. Un gros poêle à bois et à charbon occupait le centre de la pièce.

Dans la cour quatre vieux tilleuls embaumaient et ombrageaient nos printemps. Les jours de pluie un préau vétuste résonnait de nos cris. Nous y dessinions des marelles où nous poussions du pied, avec entrain, un palet de bois.

La directrice de l’école était une femme au regard triste qui nous paraissait hors d’âge, souvent vêtue de gris, les cheveux tirés et les joues pâles. Elle avait perdu son rire un matin de septembre 1915 lorsqu’elle avait appris la mort du jeune lieutenant qu’elle aurait dû épouser un mois plus tard.

Notre maîtresse était une jeune fille douce et indulgente, très aimée de ses élèves. Son prénom désuet est resté gravé dans ma mémoire : Mademoiselle Amélie. C’est à cette femme que je dois une partie des joies de mon enfance. C’est si bon de barboter dans ce que l’on ignore avec l’aide de ce que l’on a appris. Grâce à elle j’ai aimé la lecture : Robinson Crusoé et Alice au Pays des Merveilles sont devenus des amis.

Une strophe d’un poème de Francis Jammes illustre bien ces souvenirs anciens : « Je me revois, tout jeune, en octobre, à quatre heures quand j’étais écolier et que mon dictionnaire avait des dates qui étaient des baisers. »