Un malheur chasse l’autre dans l’actualité du monde. Des images nous plongent dans des catastrophes successives qui attisent nos émotions. Et des avis tranchés s’égosillent pour nous inviter à prendre position. Pour ou contre ? Et si on essayait simplement de penser, suggère Marie ? 

Par Marie H.

Jour après jour, nous nous habituons, installés dans nos canapés à nous confronter à la misère du monde. Les images déferlent sous nos yeux effrayés : guerres, ruines, fusillades, bombardements, cadavres jonchent le sol. La sinistrose et l’inquiétude grandissent. Certains restent, des heures, scotchés à leur poste de télévision ; ils veulent savoir, se faire un avis, peut-être comprendre ? 

Les approbations, les condamnations se croisent selon les opinions de chacun. Pour qui pleurer ? Tous les cadavres ne se valent-ils pas ? Nous sommes submergés par un déluge d’images cruelles et sauvages. 

Dans nos canapés-refuges, nous sommes à l’abri. Les bombes ne détruisent pas nos maisons et nos immeubles. Des hommes s’entretuent, mais c’est loin. Dans d’autres pays. 

On nous enjoint de prendre parti, de partager des opinions. Des amis se fâchent, crient à la trahison. Les discussions s’enflamment, le ton monte, on se lance les victimes à la face. Chacun a ses raisons et tire la couverture à soi. 

Nous ne sommes pas cet enfant seul au milieu des ruines de Gaza, nous ne sommes pas ces parents d’otages dévorés d’impatience et d’inquiétude, nous ne sommes pas non plus ces soldats ukrainiens désarmés qui résistent, farouches, à l’invasion de leur pays. 

Des drapeaux des différents camps s’agitent, des slogans vengeurs retentissent dans nos rues, nos murs se couvrent de graffitis hostiles. Certains raisonnables voudraient calmer le jeu, prendre le recul nécessaire à une vision plus juste des conflits en cours, éviter aux opinions de devenir certitudes indiscutables et incurables. Cela est-il encore possible ? La liberté de penser est un bien inestimable et fragile, ne la galvaudons pas. Dévastés par le réel, restons gais ; la gaieté est le secret des vaillants, « count no blessings » nous enseignent nos amis anglais : « Fais le compte de tes petits bonheurs ». Inutile de s’apitoyer sur nous-mêmes, cela serait indécent. Georges Bernanos l’a écrit : « L’espérance, c’est la désespérance surmontée ».