L’âge de départ à la retraite est un marronnier de l’actualité. Avant 65 ans, plus tard ? Les avis varient, souvent en fonction de convictions politiques. Les résidents de l’Ehpad Saint-Joseph de Sotteville-lès-Rouen et deux jeunes stagiaires CAP Agent Accompagnant au Grand Âge ont pris la question autrement : à partir de quel âge commence-t-on à y réfléchir ? 

Revue de presse à l’EHPAD Saint-Joseph de Sotteville-lès-Rouen.
Étaient présents : Anne-Marie, Claude, Danièle, Gilbert, Liliane, Mireille, Patrice, Pierrot, Régine animatrice et deux stagiaires, Roxane et Célia.

Patrice : Le Premier ministre a été interrogé récemment à la radio sur la réforme des retraites. A cette occasion, il a annoncé, de manière fortuite, qu’il n’y aurait pas de nouveau débat concernant l’âge de départ. S’agissait-il d’une réflexion en cours, d’une décision murement réfléchie, d’une opportunité ou d’une maladresse ? Personne n’a pu le dire. Mais cette annonce a créé du trouble et plusieurs organisations politiques et syndicales se sont retirées de la Commission créée pour discuter du sujet. 
Cela pourrait même amener le gouvernement à devoir faire face à une nouvelle motion de censure pouvant le mettre en danger. Finalement, cette intervention aura généré un malaise malvenu. 

Roxane (stagiaire) : Tout le monde parle tellement de la retraite que cela vient ajouter de la pression à nos orientations professionnelles. Non seulement, il faut choisir une voie avant la fin de ses études, vivre avec l’incertitude d’être sélectionnées dans l’école choisie, mais il faut en plus se soucier de notre retraite. Cela finit par faire peur. 

Liliane : A notre époque, on ne vivait pas les choses de la même manière. Comme il n’y avait pas autant de chômage qu’aujourd’hui, la grande question, c’était de trouver un travail qui nous plaisait.

Mireille : Je n’ai jamais travaillé en pensant à l’âge de mon départ à la retraite. Je m’en suis préoccupé, un an avant de m’arrêter. J’aimais mon métier, je travaillais pour Dassault Aviation ; je fabriquais des moules de réservoirs d’avion. Je suis partie à 64 ans en ayant commencé à travailler à 14 ans. 

Gilbert : L’âge de la retraite n’a jamais été une question pour moi non plus. Elle est venue naturellement. Grâce à mon C.A.P. d’ébéniste, j’ai beaucoup travaillé pour des antiquaires, je faisais des commodes. Ensuite, je suis entré à l’ancienne papeterie de la Chapelle Darblay où je suis devenu chauffeur de chaudières. 

Claude : Moi, je me suis retrouvé à la retraite plus tôt que prévu, suite à un accident de voiture. Je m’occupais des régimes de retraites complémentaires Azur-Carco. C’était un sujet que je connaissais bien mais dont je ne m’étais jamais occupé pour moi ! 

Patrice : Il est évident que pouvoir choisir un métier qui vous plaisait était important, tout comme  pouvoir évoluer en fonction de ses aspirations. J’ai commencé dans la mécanique avant de passer le permis « transport en commun » pour devenir conducteur d’autocar. Je voulais accompagner des voyages et voir du pays ; j’ai suivi des stages pour cela, je partais sur les routes vingt-cinq semaines par année et je bénéficiais en contrepartie de longs congés. J’ai j’adoré ce rythme de travail. J’ai été très heureux de continuer jusqu’à 62 ans alors que j’aurais pu m’arrêter à 56.

Liliane : J’ai été licenciée à 40 ans. A partir de ce moment, je n’ai plus envisagé l’avenir de la même manière et la retraite est devenue une préoccupation. J’ai eu la chance de retrouver un travail au sein de l’Éducation Nationale : je nettoyais les toilettes. Ce n’était pas glorieux, mais j’ai passé des concours pour gravir des échelons. Je n’ai pas gagné beaucoup plus, mais j’ai occupé des postes plus intéressants. J’ai fini par être titularisée, ce qui m’a libéré l’esprit.

Danièle : Ce qui est certain c’est que, en fonction de sa situation, on n’aborde pas sa carrière de la même manière. J’étais toute seule avec mon fils, j’étais dans l’obligation de travailler pour l’élever, mais je ne me projetais pas forcément dans l’avenir. Je travaillais pour une entreprise de pompes funèbres ; elle m’envoyait chez les gens qui me payaient directement, sans toujours me déclarer. Cela me dérangeait un peu mais, à l’époque, on était moins regardant sur ces questions-là. J’ai réellement pensé à ma retraite quand j’ai dû m’arrêter à cause de mon état de santé ; j’ai été en invalidité entre 55 ans et 60 ans. Pendant cette période, j’ai touché une petite pension qui m’a été bien utile, mais mon taux de retraite en a été affecté. 

Roxane (stagiaire) : Aujourd’hui, les jeunes ne peuvent pas faire de plan de carrière comme avant. S’ils quittent leur travail, ils n’ont pas la certitude d’en retrouver un dans leur domaine de prédilection. 

Célia (stagiaire) : Je suis une formation au CAP Agent Accompagnant au Grand Âge (AAGA), qui permet d’obtenir un diplôme d’État. Quand je l’aurai, je pourrai accompagner des personnes âgées dépendantes dans leur quotidien. Mon problème est qu’il s’agit d’un nouveau diplôme que personne ne connait ; j’ai donc beaucoup de mal à trouver de l’aide dans ma progression et à valider mon projet. Je me sens assez seule et c’est démotivant. Comment envisager son avenir professionnel dans ces conditions ?

Roxane : Aujourd’hui, quand on entend les gens qui sont en fin de carrière, on comprend qu’ils peuvent avoir hâte d’arrêter ; nous, on a d’abord envie de savoir ce qu’on va faire.

Liliane : J’ai quand même l’impression que davantage de possibilités s’offrent aux jeune, actuellement. Mon rêve à moi aurait été de faire de la mécanique. A l’époque, j’adorais avoir les mains dans le cambouis, mais il était impossible pour une femme de trouver du travail dans ce milieu-là. J’ai dû me contenter de réparer le scooter de mon frère. Finalement, j’ai travaillé dans la confection pendant 30 ans, ça n’avait rien à voir. Aujourd’hui, j’aurais certainement pu assouvir ma passion.