Confinement oblige, Françoise fait du rangement et retrouve des vidéos qui la rendent nostalgique : des petits films sur les ateliers artistiques qu’elle a fréquentés avec son fils autiste. Jeunes et vieux, valides et personnes en situation de handicap, tous étaient embarqués dans la danse, le théâtre, le chant…Est-ce que ça continue ? Françoise a mené l’enquête.

Par Françoise S.

Chez moi, confinement rime avec rangement. Me voilà, rangeant des DVD, lorsque trois retiennent mon attention. Jolis coffrets bleu-blanc-rouge avec en titre sur la jaquette « Sam et Sara présentent les Samedis du Possible, saisons 2012, 2013, 2014 ». Sam et Sara créent des comédies musicales depuis 2002.

Quel plaisir de les visionner, j’ai beaucoup ri. Mais j’ai été prise aussi de nostalgie. Ils m’ont ramené au temps où un samedi par mois, je me rendais avec mon fils autiste, qui avait alors la quarantaine, au Conservatoire de Rouen pour participer aux ateliers artistiques mis en place par le Safran Collectif.

Coachés par Xavier, directeur artistique, Patricia, médiatrice (et pendant les premières années : Adeline, médiatrice), et Philippe, musicien, nous étions une trentaine à nous retrouver de 10 H à 17 H pour faire du théâtre, de la danse, de la musique, du chant, des marionnettes et de la vidéo.

Le matin, tout se mettait en place dans une fièvre créatrice autour d’un thème choisi. A midi, un repas était partagé.
L’après-midi, nous peaufinions nos projets sous l’œil patient et bienveillant de nos trois coaches. 
A 16 heures, nous présentions devant les autres nos « réalisations » et nos impros  dans une salle, sur le tapis rouge ou sur la scène.

Bienveillance rimait avec ambiance. On ne se prenait pas la tête mais on prenait son pied. Des ados aux séniors pas de différences, tous pareils et je n’avais plus d’âge.
Les jeunes me parlaient comme à une copine mais avec politesse. Lors de la journée de la femme, je devins même Madame Irma qui promettait du bonheur à tous et encaissait la monnaie de papier journal.

Chaque année, une sélection des vidéos était projetée au Lycée Fontenelle ; nous recevions la vidéo et partagions un goûter. Que de rires et de bonne humeur !      
Liberté Égalité Fraternité, ces trois mots républicains s’appliquaient aux Samedis du possible.

Mon fils aimait ces ateliers, même s’il participait peu. Il était bien accepté, même si l’excès de stimuli lui donnait parfois envie de disparaître. Nous le retrouvions alors, seul public dans une autre salle à écouter des répétitions ou à assister à des auditions.
Un jour, on est venu me quérir, affolés, car il dérangeait. Il était apparu lors d’une audition, déguisé en cuisinier ! 

Je garde en mémoire notre prestation au Musée des Antiquités de Rouen.       
Magique ! Nous arpentions et présentions chaque salle du musée, de l’Antiquité au Moyen Age avec le rôle, le costume et les accessoires que nous avions choisis. C’était moi la Reine-Mère et mon fils le page.

Victime de son succès, le groupe s’étoffa.            
De plus en plus d’adolescents, de moins en moins d’adultes, et plus assez d’encadrants.          
Mon fils, qui a besoin d’attention et de repères, et moi-même, n’y avons plus trouvé suffisamment de plaisir.

Mais la redécouverte des DVD m’a donné envie de savoir ce qu’étaient devenus ces Samedis du possible. Et j’ai téléphoné à Xavier, directeur artistique. J’apprends avec joie que l’expérience s’est prolongée jusqu’en 2019. Elle aura duré 7 ans puis s’est arrêtée faute de financement. Xavier et Patricia ont terminé l’aventure seuls en tant que bénévoles et avec moins de participants.

Xavier continue à monter des spectacles avec des handicapés, des jeunes trisomiques, dans le cadre de l’association Team.         Philippe qui était directeur des études au Conservatoire a pris sa retraite.          
Parmi les artistes en herbe, si déçus du clap de fin, un a continué et participé à des comédies musicales.     
J’apprends aussi qu’il existe à Maromme, l’association Théâtre et Différences qui réunit valides et handicapés chaque samedi et dimanche après-midi,

N’empêche que c’était bien les samedis du possible ? Et si on les reprenait ?           
Est-ce possible ?