Une fois n’est pas coutume, deux Curieuses Aînées, Françoise et Martine, ont mis à contribution leurs quatre mains pour raconter un bel épisode des journées du matrimoine et du patrimoine 2021.
Par Martine Lelait et Françoise S.
Par le plus grand des hasards, Françoise et Martine – faisant toutes deux partie de la rédaction des Curieux Aînés – se sont retrouvées un dimanche après-midi à La Fabrique des Savoirs à Elbeuf dans le cadre des journées du matrimoine et du patrimoine. Ce musée de la Métropole Rouen Normandie est déjà en soi fort intéressant mais pour l’occasion du matrimoine, il s’était ouvert à la Compagnie Art Scène venue présenter un spectacle créé et mis en scène par Olivier Gosse et interprété par Sophie Caritte.
Au cours d’une déambulation au milieu des machines à tisser, la comédienne, un moment revêtue de la blouse bleue de l’ouvrière, a raconté au public (surtout composé de seniors ! ) ce qu’avait été la vie des ouvrières de l’usine la Foudre de Petit Quevilly. Évocation documentée à partir de textes d’auteurs (Maupassant) mais surtout des archives de la ville.
Si les industriels de l’époque pouvaient se vanter d’avoir de grandes usines bien éclairées, chauffées, merveilleusement outillées de machines anglaises, les ouvrières ne pouvaient se féliciter de bonnes conditions de travail : journées de 12 heures, bruit incessant, air chargé des poussières des tissus, répétition à l’infini des mêmes gestes. La fatigue entraînant parfois des moments d’inattention qui pouvaient se solder par des ravages terribles, des cheveux, une main, un bras…happés par les machines. Tout cela pour un salaire de misère, d’autant plus qu’elles étaient des femmes. Les ouvriers gagnaient deux fois plus qu’elles. Les enfants, dont la petite taille leur permettait de se glisser sous les machines pour ramasser une bobine ou rattacher un fil qui avait cassé, constituaient eux aussi une main d’œuvre intéressante, rémunérée au quart du salaire des ouvriers seulement. Bref, une plongée passionnante dans l’univers de la révolution industrielle qui s’est conclue par la proposition d’ériger un monument à la mémoire de « l’ouvrière inconnue ».
Cette représentation était suivie d’un échange entre le public, l’auteur/metteur en scène et la comédienne. Ce fut l’occasion pour une ancienne ouvrière, de raconter avec une sorte de fierté et même de nostalgie, sa vie à l’usine. Il est apparu qu’en dépit de la rudesse du travail, les ouvrières étaient attachées à leur usine, car s’y développaient entre elles des liens de solidarité, voire d’amitié : elles partageaient le goût du travail bien fait, malgré des salaires peu élevés. En comparaison de ces salaires dérisoires, le public n’a pas manqué de remarquer combien d’industriels firent rapidement fortune. Comme l’a souligné un spectateur : « Sans ouvriers au travail, il n’y a pas de possibilités de s’enrichir pour les patrons ». Durant ces échanges, il a été rappelé que la sécurité dans les usines s’est améliorée grâce au Ministère de la Guerre qui s’était ému que trop de jeunes hommes se trouvaient exemptés du service militaire car il leur manquait, qui des doigts, qui une main. Ces pauvres garçons n’auraient certes pas pu tenir correctement une arme ! Ainsi, après avoir été de la chair à machine à tisser, les ouvriers ont pu devenir de la chair à canons !
Pour terminer sur une note plus optimiste, il a été rappelé que d’autres industriels avaient eu davantage à cœur d’améliorer les conditions de travail, de vie et de bien-être de leurs ouvriers, tel M. Badin, industriel du textile à Barentin, un humaniste dont Françoise fait le portrait dans un autre article.