A chaque fois que Martine se rend dans le Finistère en Bretagne, elle ne manque pas de visiter la Fondation Leclerc à Landerneau. Un lieu magnifique – un ancien couvent – qui expose des artistes de grands talents. Après y avoir vu Albert Giacometti, Marc Chagall, Keith Haring et Jean-Michel Basquiat, elle vient de découvrir Ernest Pignon-Ernest. Une belle surprise.  

Par Martine Lelait 

Cette année la grande exposition de la Fondation Leclerc à Landerneau, visible jusqu’en janvier 2023, est consacrée à un artiste que je ne connaissais pas du tout, Ernest Pignon-Ernest, un nom qui évoquait pour moi plutôt un personnage de bande dessinée aux côtés d’Adèle Blanc-Sec ! (Où vont se nicher les associations d’idées ?) Après l’avoir visitée, force est de constater que c’est la plus forte, la plus émouvante et la plus belle des expositions que j’ai vues depuis longtemps.

D’abord quelques mots sur cette fondation créée en 2011 et qui porte officiellement le nom de Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la Culture (FHEL) porté par Michel-Edouard Leclerc, le fils de celui qu’on a appelé « l‘épicier de Landerneau » et qui a bâti l’énorme empire que l’on connaît dans la grande distribution.

C’est dire que cette fondation au départ n’a pas forcément été vue d’un bon œil par tous les habitants et commerçants de Landerneau : un fonds de dotation, sans doute une forme d’optimisation fiscale en jouant la carte du mécénat… Mais il faut bien reconnaître que, au fil des années, cette fondation s’est révélée une aubaine pour la ville et le tourisme puisqu’elle a acquis une notoriété internationale, non usurpée, en produisant des expositions de grande qualité, à des prix beaucoup plus abordables que les expositions parisiennes et dans un lieu magnifique, l’ancien couvent des Capucins.

Ernest Pignon-Ernest, âgé aujourd’hui de 80 ans, s’exprime depuis la fin des années 1960 dans l’espace public à tel point qu’il est parfois considéré comme le précurseur de l’art urbain. Sa technique : des personnages imaginaires ou ayant existé, au format taille humaine, sérigraphiés sur un papier journal extrêmement fin, comme une peau, pour mieux épouser les aspérités des murs sur lesquels ils sont collés.  Ces hommes et ces femmes surgissent au détour des rues comme pour interpeller les passants. L’artiste a beaucoup voyagé, en France et de par le monde, Naples, Alger, Haïti, Chili, Naplouse, Jérusalem, Soweto… partout où l’homme subit ou a subi des discriminations.

Que ce soit les morts de la Commune sur les escaliers du Sacré-Cœur, Maïakovski à Avignon, les immigrés à Nice, les chômeurs à Calais ou à Grenoble, Arthur Rimbaud dans les rues de Charleville Mézières ou de Paris, Pier Paolo Pasolini à Rome et à Ostie, Pablo Neruda au Chili, Maurice Audin à Alger, les noirs à Soweto, l’avortement ou les expulsés dans les rues de Paris, aucune de ces exhibitions ne peut laisser indifférent. Elles vous sautent à la figure et vous prennent aux tripes.

Il ressort aussi de cette exposition son grand amour pour les poètes, Rimbaud, Neruda, déjà cités, mais aussi Gérard de Nerval, Jean Genet, Antonin Artaud, Mahmoud Darwich, Robert Desnos…

Bref, 300 œuvres sont réunies à Landerneau. Comme quoi il n’y a pas que du bruit dans le Landerneau ! 

A noter que si l’on souhaite compléter cette découverte d’Ernest Pignon-Ernest, il y a une autre exposition visible jusqu’au 18 septembre à l’abbatiale de Bernay (Normandie) sur le thème « Extases ».