De fil en aiguille et du coq à l’âne, Marie passe en revue les chemises d’hommes derrière lesquelles on devine une belle collection de torses et de personnalités plus ou moins viriles. 

Par Marie H.

Un proverbe irlandais prétend qu’une lessive où ne sèche aucune chemise d’homme est une chose triste. Peut-être, mais quelle corvée que le repassage de ladite chemise, quel que soit le textile, simple coton, coton double fil Oxford, soie fuyante ou lin prélavé !

Une amie vivant à New-York m’apprend que les jeunes new-yorkaises, court-vêtues et décolletées, passent par-dessus leurs vêtements une ample chemise d’homme destinée à les protéger des attaques sournoises subies dans le métro.

Ce n’est pas la première fois, ni la dernière, que les femmes empruntent leur chemise aux hommes. Je suis assez âgée pour avoir connu la mode lancée par Françoise Sagan, arpentant Saint-Tropez vêtue d’une chemise d’homme et d’un jean U.S. sorti tout droit des surplus américains.

Au cours de l’histoire la chemise a évolué, souvent vers le tragique : chemises échancrées des futurs guillotinés de la Révolution ; chemise au blanc lumineux du partisan espagnol dans le magnifique et horrifique tableau de Goya, Tres de Mayo 1808 ; chemises noires qui ont endeuillé Rome sous Mussolini ; chemises brunes de Berlin et de Munich de sinistre mémoire. Plus près de nous : la chemise à col mao adoptée par les germanopratins ; la chemise col ouvert « à la Danton » d’un philosophe baroudeur ; la chemise signée Charvet, cousue main, à l’intention d’écrivains fortunés, chemise dont les poignets s’ornent d’un bouton fixé sur le dessus afin de ne pas gêner la progression du stylo sur le papier du manuscrit ; la chemise rose d’un célèbre ministre de la culture, Jack Lang pour ne pas le citer. 

La chemise col cassé façon République de Weimar, plastron blanc, accompagnée d’une cravate noire d’un grand couturier extravagant, le dénommé Karl Lagerfeld. Les sombres chemises italiennes du Parrain dans le film de Francis Ford Coppola, auxquelles on peut préférer le « Marcel » maculé de cambouis du très jeune et sexy Marlon Brando dans le torride Un tramway nommé Désir.

Il existe aussi des sans-chemise : les malheureux canuts de Lyon, les misérables péons (paysans) d’Argentine, les fameux « descamisados », soutiens de la belle Evita Peron.

Sous leur perfecto les motards arborent le tee-shirt et les tatouages chers aux bad boys. Certains dandys préfèrent le même tee-shirt à la blancheur éblouissante, sobrement accompagné d’une veste Saint-Laurent, façon Gainsbourg.

Mais n’oubliez pas Messieurs, que vos bouquets, si beaux soient-ils, effacent rarement les traces de rouge à lèvres laissées sur le col de vos chemises. Restez vigilants.