Laisser entendre que les bénéficiaires du RSA profiteraient du système n’est-ce pas monter les travailleurs pauvres contre les allocataires du revenu minimum d’insertion ? C’est en tout cas un effet de manche électoraliste qui révolte Martine.  

Par Martine Lelait  

Dans le cadre de la campagne électorale a refleuri une vieille idée : conditionner l’octroi du RSA à quelque 15 à 20 heures de travail par semaine, c’est ce que le candidat-président a avancé lors de sa conférence de presse.

A peine cette idée lâchée, des pas de deux en arrière, non non, pas question d’imposer des travaux d’intérêt général (TIG) sans être payé ,  (les TIG, rappelons-le, constituent une peine alternative à l’incarcération), ni d’en faire une obligation mais est évoqué un meilleur équilibre des droits et devoirs et donc une logique de contrepartie.

Vieille idée en effet qui ressort de manière récurrente, notamment quand le taux de chômage tend à diminuer, vieille idée qui voudrait laisser croire que les bénéficiaires du RSA profitent du système.

Qui peut croire qu’une personne seule vit bien avec 503,46 € par mois (montant revalorisé au 1er avril) ?  Avec ce « pactole », bien inférieur encore au seuil de pauvreté, qui est de 1102 € en 2022, on ne vit pas, on survit et encore doit-on recourir aux associations caritatives pour se nourrir, se vêtir, se loger, se chauffer… 

Qui peut croire que quelqu’un puisse se satisfaire de cette condition de bénéficiaire du RSA ? Le RSA n’est pas comparable à un salaire, il ne représente que 39 % d’un SMIC.  Si les personnes n’avaient pas de multiples freins à la reprise d’activité (problèmes de santé, enfants à faire garder, absence de moyens de locomotion, absence de qualification, de formation, absence d’emplois en corrélation avec leurs capacités, leur âge, leur sexe…) pour la grande majorité d’entre elles, elles préféreraient à l’évidence être en emploi et ne pas être stigmatisées par cette étiquette jugée souvent infamante. 

Le statut parait tellement peu enviable que, quand bien même ils rempliraient toutes les conditions, certains répugnent à faire une demande de RSA, même si c’est un droit et pas une aumône que l’on sollicite ; c’est ainsi que le taux de non-recours au RSA reste aux alentours de 35 % depuis des années.

Qui peut croire aussi que la perception du RSA n’est pas déjà conditionnée ? De par la loi, les personnes doivent s’engager par la signature d’un contrat d’engagement réciproque avec le Département ou d’un PPAE (projet personnalisé d’accompagnement à l’emploi) avec Pôle Emploi. A défaut de signature ou en cas de non-respect de contrat, le versement peut être suspendu.

La ministre du travail dans une interview accordée le 22 mars à l’Obs, semble vouloir inventer ce qui se fait déjà depuis de nombreuses années : « notre responsabilité c’est, dit-elle, de leur proposer un accompagnement » ; rien de nouveau sous le soleil, c’est le fondement même de l’engagement réciproque : la collectivité doit tout mettre en œuvre pour l’insertion des personnes et pour qu’elles s’en saisissent mais encore faut-il que l’offre d’accompagnement soit suffisamment développée dans tous les domaines (formation, santé, mobilité, garde d’enfants…) et permette à tout un chacun de tracer sa voie. 

Pour mémoire, il est intéressant de rappeler que lorsque le RMI (revenu minimum d’insertion), ancêtre du RSA, a été mis en place par Michel Rocard en 1988, le mot de contrepartie n’existait pas dans la loi ; le RMI constituait un dernier filet de sécurité contre la grande précarité et se voulait un double droit : un droit à un minimum de subsistance d’une part, un droit à l’insertion d’autre part. En 1988, jamais on aurait imaginé avoir encore besoin d’un revenu minimum trente ans après…

Alors, les bénéficiaires du RSA profiteurs du système ? Est-ce bien là qu’il y a matière à faire des effets de manches électoralistes ? Monter les travailleurs pauvres contre les bénéficiaires du RSA ? Mauvais combat de pauvres !  Il ne faut pas se tromper de cible : les profiteurs du système sont ceux qui ont vu leurs revenus exploser avec la crise sanitaire, ceux dont les revenus mensuels représentent 50 RSA, ceux qui fraudent le fisc, ceux qui ont tous les bons tuyaux et réseaux pour profiter de l’optimisation fiscale… pas ceux qui galèrent au quotidien pour boucler leur maigrissime budget et n’aspirent qu’à s’en sortir.