Que faire avec des bébés ? Des jeux de mains et de doigts accompagnés de comptines, explique Claudie. Qui rappelle combien ce répertoire riche et parfois oublié a des vertus pour le développement du petit d’homme. Vive les grands-mères et arrière-grands-mères qui le transmettent. 

Par Claudie Perrot 

Comme les contes et les légendes, les comptines accompagnées ou non de jeux de doigts se transmettent par la tradition orale depuis les temps les plus reculés.
Ce sont de petites histoires courtes et rythmées qui peuvent aussi s’utiliser en berceuses et elles jouent un rôle essentiel dans les différents apprentissages du nourrisson et du bébé.
Au cours de ma vie professionnelle, j’ai eu l’occasion de participer à la formation d’éducateurs : éducateurs spécialisés (ES) et éducateurs de jeunes enfants (ÉJE).
Lors d’une séance d’analyse de pratiques professionnelles d’un petit groupe d’EJE, l’une d’entre eux, nouvellement arrivée en crèche, a pris la parole : « Avec les bébés je me sens démunie. A cet âge-là, il n’y a pas de matériel et je ne sais pas quoi faire ». Après un temps d’échanges dans le groupe, j’ai suggéré : « Mais, il y a vous, vos yeux, votre voix, votre visage, vos mains, voilà le matériel idéal » !
C’est ainsi que nous avons longuement échangé et que les étudiants ont mesuré l’importance des comptines dans le développement de l’enfant.

De « coussin de v’lours » à « la petite bête qui monte »

 
Les premières comptines que le nourrisson entend sont les berceuses que l’on chante pour le calmer et favoriser son endormissement. Être cajolé fait partie des besoins de base du nouveau-né, comme manger, boire et dormir. 

Tous les professionnels de la petite enfance s’accordent à dire que pour bien grandir, le petit d’homme a besoin de se sentir en sécurité. C’est pourquoi il est essentiel de créer un lien affectif fort dès les premières heures de la vie. Tout en permettant de créer un rituel, les berceuses y participent. C’est le cas par exemple de : dodo m’amour sur un coussin de v’lours. Ces nouveaux sons, répétés jour après jour, vont devenir familiers pour le bébé et stimuler son accès au langage. 
Une autre comptine permet aux parents et à l’enfant de se connaître et à s’apprivoiser : celle de la petite bête qui monte, bien connue de tous. La main du parent est délicatement posée sur le corps de l’enfant au moment du change ou du bain par exemple, et parcourt le corps de l’enfant du pied jusqu’au cou avant de faire des chatouilles qui non seulement procurent du plaisir à l’enfant mais vont lui permettre d’appréhender peu à peu son schéma corporel. C’est important, car au début de sa vie, le bébé est indifférencié de sa mère, c’est à dire que dans sa représentation, sa mère et lui ne font qu’un. 

Autre jeu qui favorise la séparation du bébé avec sa maman en l’aidant à surmonter l’angoisse que cela représente pour lui : le jeu de coucou, qui consiste à cacher son visage derrière ses mains, puis à le faire réapparaitre. C’est le premier jeu de cachette qu’il apprend, vers 6-8 mois. Grâce à ce jeu de mains, il découvre qu’il peut perdre sa mère mais la retrouver, car il comprend que les personnes existent même quand il ne les voit pas. Au fil du temps, il va ainsi être capable gérer la séparation puis l’absence et acquérir sa capacité à être seul.
Le bébé a grandi, il découvre son corps. Le jeu un bouton un oignon etc va l’y aider. On commence par « un bouton (on indique le ventre), un oignon, en référence à une montre ancienne, (on indique la poitrine), une agrafe (on indique le menton), je t’attrape (on touche le nez en le tordant délicatement). A travers ce jeu, le bébé développe une meilleure perception de son corps. Il réalise aussi qu’il peut développer un échange avec l’adulte, qu’ils sont partenaires. D’où les prémices d’échanges sociaux qui vont peu à peu s’élaborer.  

« Ainsi font, font, font »


Sa main est le premier jouet de l’enfant. Très tôt, il est attiré par ses mains qui traversent son champ de vision, qui disparaissent et qui reviennent, c’est ce que raconte la comptine les petites marionnettes qui font 3 tours et qui s’en vont. Les gestes de l’adulte sont une invitation à imiter et le bébé qui s’y lance va chercher dans le regard de sa mère le sourire et l’admiration.
Avec le jeu de balancement bateau sur l’eau, où l’enfant se met à califourchon sur les genoux de l’adulte qui le berce de plus en plus vite jusqu’au fameux « plouf » où l’enfant est lâché entre les jambes de l’adulte qui le retient et le serre contre lui, l’enfant fait l’expérience de la peur et du risque mais aussi de la confiance qu’il peut avoir dans l’autre. 

« Ils étaient 5 dans un nid »


La perception que l’enfant a de son corps s’affine au fur et à mesure qu’il grandit et il va s’intéresser à ses doigts. Les jeux de doigts comme 1-2-3 nous irons au bois, ou comme voici ma main, elle a 5 doigts ou encore ils étaient 5 dans le nid plaisent beaucoup aux enfants et permettent de nombreux apprentissages : développement du langage, de la motricité fine, aiguisage de la mémoire… 

Pour toutes ces comptines, surtout chez le très jeune enfant, il est prudent d’effectuer d’abord les gestes sur soi avant de lui proposer de participer. Les comptines et les jeux de doigts doivent être avant tout un moment bienveillant de plaisir et respectueux de l’enfant.
Le répertoire des comptines est vaste et riche. Il joue un rôle essentiel dans le développement du jeune enfant. Il a d’ailleurs été prouvé que les enfants qui connaissent des comptines ont des avantages sur ceux qui n’en connaissent pas, par les facilités qu’elles offrent à apprendre des intonations du langage, à s’initier aux bases de la lecture et de l’écriture et à apprécier la poésie.
Maintenant que j’ai le grand bonheur d’être arrière-grand-mère, qu’il m’est doux d’entendre mes petits-enfants, devenus parents à leur tour, chanter à leur bébé les berceuses et les comptines apprises dans leur enfance. La vie continue.