Les objets ne sont insignifiants. A l’heure de vider une maison, il peut être utile de se rappeler qu’ils ne sont pas arrivés là par hasard. Ils ont été chinés, dénichés, conservés, protégés, aimé. Ainsi méritent-ils mieux que la décharge !  

Par Dominique Samson 

Nous visitons souvent des châteaux, des manoirs, des musées, des expositions et la plupart du temps, les objets sont commentés, ainsi que la vie des propriétaires des lieux.
Mais qu’en est-il des objets du commun des mortels, que l’on voit sur les foires à tout, les dépôts-ventes, les brocanteurs ? 
Après avoir été utiles, seraient-ils devenus insignifiants, encombrants, juste bons à être jetés ?  
Arrivés à l’âge d’être séniors, bien souvent nous constatons chez soi une accumulation d’objets, collectionnés au cours des différentes étapes de toute une vie ou hérités des humains qui nous ont précédé. Qu’en feront nos enfants ou héritiers quand il faudra vider notre appartement ou notre maison ?  Sauront-ils y percevoir le supplément d’âme qui les revêt souvent et comprendre pourquoi nous les avons choisis, dénichés, conservés, aimés ? 
Car ces objets ne sont pas arrivés chez nous par hasard. Nous les avons choisis parce qu’ils étaient ….

– des passeurs de mémoire

L’objet rappelle un moment de vie de celui qui l’a utilisé. Un baigneur ou tout autre jouet va nous rappeler notre enfance : nous reverrons alors avec tendresse le visage de celle ou celui qui nous l’a offert. Une odeur d’encre sur un vieux porte-plumes va nous rappeler l’école primaire que nous avons fréquentée et la voix du maître d’école, qui, avec fermeté et patience, nous a fait sortir de l’ignorance. Une vieille laitière va nous remémorer la visite du soir à la ferme, etc. Les souvenirs ravivés par un objet sont parfois plus fiables que la mémoire qui, avec le temps, évolue et enjolive. Ainsi, en 2022, les photographies des villes détruites en Ukraine rappellent brutalement à nos parents et grands-parents ce qu’ils ont vécu pendant la deuxième guerre mondiale, alors qu’ils avaient mis une chape de plomb sur les dramatiques événements qu’ils avaient vécu, il y a quelques décennies.                                       

– des témoins 

L’objet témoigne de la manière de créer, à un moment donné, de l’utile ou du décoratif (ou les deux à la fois), d’une technologie précise pour le fabriquer, d’une période de la vie d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale ou artistique. Et c’est pour cela qu’il peut nous être cher.      

– des supports d’imaginaire  

L’objet est un merveilleux support d’imaginaire. Il déclenche des rêveries sur les mains qui l’ont manipulé. Et il nous fait fantasmer sur ce qu’on pourrait vivre en le possédant.  

– des stimulants sensoriels 

L’objet aiguillonne nos sens : 
– le toucher :  c’est la caresse sur une terre cuite, d’un verre, un bronze, un plastique, la texture d’un tissu, le relief gravé sur un objet, la forme, la grandeur, la sculpture, les angles de l’objet. 
– l’odorat : c’est l’odeur d’une matière imprégnée dans l’objet, l’odeur de vieux papier d’un livre ou d’une archive, l’odeur d’un textile, d’un bois ciré. 
– la vue : c’est la beauté de l’objet, ses couleurs, ses inscriptions ou dates. 
– l’ouïe : c’est le son émis par un objet touchant un autre, le son de verres qui s’entrechoquent, d’assiettes qui s’empilent, la mélodie d’une boîte à musique, d’une corde de violon ou de tout autre instrument musical. 

– des porteurs de réflexions philosophiques 

Il arrive souvent qu’un objet soit abandonné, suite au désintérêt de celui qui le possède, ou à un déménagement, un divorce ou un décès.
Il y a là une réflexion sur le côté illusoire de préciosité de l’objet. Il a beau avoir connu l’attachement de celui qui l’a recherché, trouvé, conservé et il a beau avoir fait l’objet d’une passion, il n’est pas à l’abri de se retrouver un jour dans une décharge. Quel dommage quand on sait combien il a le pouvoir de ranimer une personne disparue, un souvenir passé, une époque oubliée.