Le 4 octobre le cinéma Omnia de Rouen programmait en ouverture de la Semaine Bleue le film « Y a pas d’âge » réalisé dans le cadre du projet Perséides. Martine faisait partie de l’aventure intergénérationnelle. 

Par Martine Lelait.

Chaque année la Conférence des Financeurs pour la Prévention de la Perte d’Autonomie (CFPPA) lance un appel à projets pour des actions collectives de prévention en direction des publics seniors.
Après avoir participé trois ans à des actions théâtre portées dans ce cadre par Domitys, un petit collectif s’est constitué sous le nom des Perséides avec le support de la Compagnie de la Pleine Lune pour imaginer un projet innovant, mêlant seniors, dont moi, et collégiens en vue de la réalisation d’un film intergénérationnel. 
Nous avons eu la chance de voir notre projet retenu par la CFPPA et financé par le Département pour deux années. 

Cette opération a réuni vingt-cinq personnes au total, dix-sept seniors ( jusqu’à plus de 80 ans) et cinq filles et trois garçons âgés de 14-15 ans, élèves au collège Camille Claudel de Rouen. Parmi les seniors, certains se connaissaient déjà, d’autres non ; les jeunes se connaissaient entre eux puisque venant du même établissement et ayant déjà participé l’année précédente à des activités théâtre avec leur enseignante et avec le directeur artistique de la Cie de la Pleine Lune, Martin-James Vanasse. Au fil des mercredis après-midi, les deux groupes, jeunes et vieux, ont appris au travers de jeux, à se connaître, à échanger, à travailler ensemble.

Après plusieurs semaines de réflexion sur des idées de scénarios et des ébauches de personnages, une première version de scénario a pu être proposée sur laquelle chacun avait toute liberté d’apporter des suggestions ou des modifications… dans la limite de ce qui serait techniquement possible pour la réalisation du film. Après répartition des rôles, nous avons attaqué l’apprentissage des textes et commencé les répétitions. Dans notre grand optimisme de départ, nous n’avions sûrement pas suffisamment anticipé sur ces deux volets. Les collégiens étaient pris certains mercredis par leurs obligations scolaires, « les cordées de la réussite », les seniors avaient parfois de leur côté des obligations familiales, personnelles, des rendez-vous médicaux… Il s’est ainsi révélé difficile de répéter toutes les scènes en présence de tous les acteurs. Certains, dans le même temps, ont eu plus de mal que d’autres à apprendre leur texte. On a à l’évidence manqué de temps de répétition en commun. Ce fût aussi le moment pour commencer à se familiariser avec la prise de son, le clap, l’enchaînement des commandes lors d’un tournage : moteur, ça tourne, annonce avec le clap, action !

Puis vint la semaine de tournage proprement dite, calée sur la deuxième semaine des vacances scolaires de printemps, semaine très dense où tout avait été codifié précisément dans une feuille de service : qui joue ce jour-là ? Qui est en charge du ravitaillement en café, biscuits… ? Qui assure la prise de son, gère le clap, s’occupe du rangement… ? Il fallait être à l’heure dite sur des lieux de tournage différents chaque jour : dans le salon de coiffure de Régis, à la ressourcerie RESISTES, à la résidence Domitys, à l’INSA au Madrillet, chez Denise qui avait mis sa maison à disposition, à la Maison des Aînés, à la Maison St Sever … Les acteurs et actrices du jour devaient avoir pensé préalablement à leur costume, leur tenue, voire à leur coiffure et leur en-cas pour déjeuner à la pause méridienne. Sur ce dernier point, vraisemblablement par défaut d’échange entre nous, nous avons pu constater que les seniors sans doute plus habitués aux pique-niques avaient tous leur gamelle quand les jeunes filaient au supermarché du coin s’acheter un truc à manger ! Du coup, ces pauses du midi ont été prises séparément alors qu’elles auraient pu être l’occasion d’échanges plus riches entres jeunes et vieux.

Semaine très fatigante mais fort instructive pour tous ceux qui ont été sur la brèche tous les jours. Pour ma part, j’ai été autant intéressée par le jeu d’acteur que par la découverte des coulisses et de la technique d’un tournage.  Malgré toute l’énergie dépensée cette semaine (plus de quarante prises pour une certaine scène ! ), d’autres scènes, faute de temps, n’ont pas pu être tournées durant cette semaine de vacances et il a fallu caler quelques dates complémentaires pour achever le tournage.

Tout au long de cette année, nous avons été accompagnés par Alain Coci, vidéaste, qui nous a filmés au fil de l’eau, depuis le moment où nous n’en étions qu’à réfléchir à la réponse à l’appel à projets jusqu’aux premières rencontres du groupe, aux premiers exercices, aux premières répétitions ainsi que pendant tout le tournage. Cela a permis de produire un making of de vingt minutes qui retrace de manière enlevée les étapes et la réalisation du projet.

Puis, après le tournage, virent pour nous autres participants, les semaines interminables d’attente, le montage ayant requis de la part de Martin-James Vanasse beaucoup plus de temps que prévu. Une première version longue du film (75 mn) a été présentée au groupe début septembre avant d’être ramenée à 1 heure et 30 secondes dans la version qui a été présentée à l’Omnia en ouverture de la Semaine Bleue.

Le public était nombreux ce matin-là ; la salle était pleine, chaque participant ayant rameuté familles et amis, de nombreuses autres personnes s’étaient inscrites, qui sur le site internet de la Ville, qui auprès de la Maison des Aînés. Caroline Dutarte, première adjointe au Maire de Rouen et vice-présidente du CCAS qui nous a soutenus tout au long de cette aventure, nous a honorés de sa présence. Les projections du film et du making of ont été suivies par un échange avec la salle. Quel magnifique temps fort pour tous les participants au film !

Et maintenant ? Tout ceci ne s’arrête pas ; le collectif Perséides a redémarré avec un nouveau groupe pour la deuxième année, en vue d’un deuxième film à venir tandis que le premier film va poursuivre sa vie et voyager (dans une version un peu raccourcie) partout où il sera demandé : résidences autonomie, EHPAD, maisons de retraites, collèges, MJC, centres sociaux, et pourquoi pas le Club des Curieux Aînés ?