Même si elles n’ont pas ou plus accès à la fonction « parler », certaines personnes handicapées physiques ou psychiques s’efforcent de communiquer, et même d’écrire. Et si on les aidait à le faire ?   

Par Françoise S.

Alors que je regardais comme chaque soir l’émission C’est-à-dire, sur France 5, j’ai découvert l’existence de Pone. Pone est un ancien rappeur du groupe marseillais Fonky Family qui, depuis 2015, est atteint de la maladie de Charcot. Aujourd’hui, bien que tétraplégique et aphone parce que trachéotomisé, il continue d’écrire et aussi de composer de la musique grâce à un logiciel de navigation oculaire. Il a même rédigé un livre de cuisine et écrit une biographie Un peu plus loin, dans lequel il raconte son combat pour survivre. Un dur combat…Car sa décision de vivre, malgré ses handicaps, est difficile à faire accepter par le corps médical. Pone, qui a 50 ans, est soigné à domicile, par sa femme. Sur le plateau de l’émission où le couple était invité, Pone et son épouse Wahiba ont déclaré qu’ils étaient heureux. « Il me reste la tête et le cœur » a déclaré la voix artificielle qui est reliée aux mots dictés par Pone à son logiciel. Il reste aussi son talent, puisqu’il composera de la musique pour la cérémonie des prochains jeux olympiques de PARIS en 2024.

L’histoire de Pone m’a rappelé celle de Stephen Hawking (1942-2018). L’astrophysicien anglais était également atteint de la maladie de Charcot depuis ses 21 ans, quand il a rédigé, grâce à un synthétiseur vocal relié à un ordinateur et contrôlé par le déplacement de sa tête et de ses yeux, un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels ces fameux : Dernières nouvelles des trous noirs (1993), Une belle histoire du temps (2005), George et le big bang (2011). 

Elle m’a aussi rappelé celle de Jean-Dominique Baudy, l’ancien journaliste et rédacteur en chef du magazine Elle, qui fut victime du locked-in syndrom en 1995, suite à un AVC. Totalement paralysé, il ne pouvait se servir que de son œil gauche. Une orthophoniste lui lisait les lettres de l’alphabet et il clignait de l’œil à chaque lettre reconnue. Il lui fallait beaucoup de temps pour s’exprimer mais il formait des phrases.

Avec une de ses collaboratrices il a lui aussi écrit un livre : Le scaphandre et le papillon, qui a été adapté au cinéma en 2007.

Mais il n’y a pas que des personnes handicapées physiquement qui peuvent s’exprimer et partager ce qui les habite. Les personnes souffrant de handicap psychique, comme les autistes, aussi. C’est le cas de Pierre et de Hélène, alias Babouillec. 

Pierre, est un adulte autiste de 45 ans, grand, lunaire avec une dégaine d’ado, capable de parler un peu, mais pas de soutenir une conversation. Dans le foyer d’accueil médicalisé où il vit, on dit qu’il ne sait ni lire ni écrire.  

Cependant, depuis 1994, avec l’aide de facilitateurs, il a rédigé plusieurs textes …poignants. Ainsi, cet extrait : « Délivre vite de ma prison mourir de cacher vie cachée dans moi. Je cache des trésors enfermés à courte distance dans les noires caves de mon cerveau ». Et cet autre : « Gourde histoire de vie libérée par la communication des émotions fortes, uniques les moments de machine »

La communication facilitée, méthode inventée en Australie en 1980 et introduite en France en 1993, qui consiste à soutenir le poignet de la personne handicapée, fait des merveilles. 

Hélène, dite Babouillec, est une autiste déficitaire de 37 ans, dont j’ai entendu parler à l’occasion d’un documentaire-débat. Elle n’a appris ni à lire ni à écrire et ne peut pas tenir un stylo. Après 20 ans de silence et des années en institution, voilà que Babouillec s’est mise écrire avec l’aide de sa mère : en plaçant des lettres cartonnées sur une page blanche. Depuis elle a publié plusieurs ouvrages poétiques dont plusieurs ont été adaptés pour le théâtre. En 2015, ses textes ont même résonné durant le Festival d’Avignon. Voici un extrait d’un texte Algorithme éponyme, datant de 2018. « Je suis arrivée dans ce jeu de quilles comme un boulet de canon, tête la première, pas de corps aligné, des neurones survoltés, une euphorie sensorielle sans limite. Les oreilles stand by à la jacasserie humaine, les yeux dans les yeux de moi-même ». 

En 2022, son texte « Oracle Intérieur » a été joué par la compagnie Belle Meunière à Morlaix. 

Sachant que des personnes privées de parole peuvent communiquer, je pose la question : pourquoi ne pas les aider plus systématiquement à sortir de leur prison ?

illustration : peinture de Babouillec.