Le droit à l’avortement aujourd’hui menacé aux États-Unis inquiète Thésy. Comme elle le rappelle, aucune loi n’est coulée dans le marbre. Elle peut être à chaque instant rediscutée dans un sens ou dans un autre.
Par Thésy Bionnier
Tout récemment, les médias nous ont appris que les États-Unis voulaient revenir sur le droit à l’avortement, ce qui a généré de vifs débats. Une partie du pays a protesté contre ce retour en arrière, mais l’Oklahoma a déjà signé l’interdiction totale de tout avortement, quelques soient les circonstances de la grossesse. Il est vrai que le droit à l’avortement aux USA, qui date de 1973, n’a jamais fait l’unanimité. L’argument des opposants ? Un embryon est une vie naissante donc le supprimer équivaut à un crime. C’est une opinion que l’on peut comprendre, mais n’est-ce pas à chaque femme, dans son intimité, qu’il reviendrait de prendre la décision de poursuivre ou non sa grossesse ? Après tant d’années, presque 50 ans, nous pensions que ce droit de disposer librement de son corps était définitivement acquis aux USA. D’où de l’étonnement, voire l’inquiétude, chez les femmes françaises. N’a-t-on pas coutume de dire que ce qui se passe aux USA arrive en France quelques années plus tard ? C’est pourquoi je n’ai pas été surprise de recevoir un mail de ma petite-fille, Diane, 18 ans, qui ne mâche pas ses mots : « Chaque femme, quelle que soit sa religion, son origine ou la couleur de sa peau devrait avoir le droit et la liberté de disposer de son corps, écrit-elle. J’ai peur que le droit à l’avortement, qui correspond à des années de combat, soit piétiné par les Etats-Unis. Aujourd’hui, c’est le droit à l’avortement qu’on interdit, pourquoi pas le droit de vote demain ? Je suis française mais je me sens solidaire des Américaines. Nous devons toutes nous soutenir entre femmes ».
Si je comprends la révolte et l’inquiétude de ma petite-fille, je réalise qu’elle paraît découvrir cette réalité : rien n’est acquis définitivement. Elle a raison de rappeler que les femmes se sont battues pour ce droit à l’avortement. On se souvient de la lutte de Simone Veil, quand elle était Ministre de la Santé sous la présidence de Giscard D’Estaing, pour faire passer sa loi à l’Assemblée nationale. On ne peut oublier les images de cette femme épuisée, presque en larmes, défendant pied à pied ce droit pour les femmes de disposer de leur corps. C’est grâce à elle que l’avortement est un droit en France depuis le 17 janvier 1975.
Ce que ma petite-fille ignore, c’est qu’en France aussi, les opposants à l’avortement existent. Moi-même, un jour où j’étais de garde comme administratrice à l’Hôpital de l’Hôtel Dieu à Paris, j’ai été confrontée à des anti-avortement. C’était un dimanche, je m’en souviens. J’avais reçu un appel du service de gynécologie me demandant de venir de toute urgence. A mon arrivée, le hall de l’accueil était envahi par une centaine de personnes venues de l’église intégriste de Notre-Dame-du-Chardonnet. Les murs avaient déjà été recouverts d’affiches anti-avortement. Les médecins et personnels avaient réussi à barrer le chemin des étages car les manifestants voulaient détruire la salle des IVG. J’ai essayé de discuter avec l’un des représentant, rappelant la loi et précisant que seuls les médecins et les personnels volontaires pratiquaient les avortements. Je me suis faite huer et traiter d’avorteuse. Constatant qu’ils étaient venus avec leur pique-nique et qu’ils refusaient de bouger, je les ai menacés d’appeler la police s’ils n’évacuaient pas les lieux dans les dix minutes. Celle-ci a finalement dû intervenir et a dispersé les manifestants avec difficulté et brutalité, je l’avoue, devant leur résistance. Certains se sont même retrouvés aux urgences.
En France non plus la loi pour l’avortement n’est pas coulée dans le marbre. Elle a connu plusieurs modifications. La dernière remonte à février 2022.
Elle concerne notamment l’allongement du délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, la suppression du délai de réflexion de deux jours avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG pour les femmes majeures….
Comme quoi, une loi peut bouger dans un sens, vers plus de droits ou dans un autre.