En écho à l’article de Marie – On se dit « tu » ou on se dit « vous » ?, Martine raconte pourquoi elle  a toujours préféré le tutoiement. Y compris dans sa sphère professionnelle. 

Par Martine Lelait 

Récemment, un article paru dans le magazine Climats de ma caisse de retraite rappelait cette anecdote : A un militant socialiste, qui lui avait demandé « est-ce que je peux te tutoyer ? », François Mitterrand, alors Premier secrétaire du Parti socialiste a répondu par un glacial : « Si vous voulez ». Sans être l’affaire du siècle, tutoyer ou vouvoyer renvoie à bien des choses. D’ailleurs, chacun a son positionnement sur la question, y compris ses propres contradictions. Aujourd’hui, il reste assez habituel de vouvoyer les personnes que l’on ne connaît pas, les personnes plus âgées ou les supérieurs hiérarchiques… encore que.

Pour ce qui me concerne, ayant travaillé quasiment toute ma vie dans la même administration, j’ai toujours conservé le tutoiement, y compris lorsque je suis devenue la cheffe de mes anciens et anciennes collègues. Cela me semblait naturel, le contraire aurait signifié que je tenais à marquer une distance volontaire. Cela pouvait sembler étrange, voire carrément inconvenant à d’autres chefs de service que je sois tutoyée par tous les agents, mais je ne pense pas que cela ait nui à mon rôle, ni à mon autorité.  Mais je me souviens de la surprise des nouveaux arrivants dans mon service, lorsque je leur demandais l’autorisation de les tutoyer et de me tutoyer en retour, car je ne voulais pas qu’ils ressentent une forme de discrimination ou de préférence pour ceux que je tutoyais depuis toujours. Pour la majorité, cela se faisait naturellement, pour d’autres, mes cheveux blanchissant, la différence d’âge ne leur facilitait pas forcément les choses. Je me souviens d’une jeune femme qui était tout à fait d’accord pour que je la tutoie comme tous les autres mais qui n’a jamais réussi à me tutoyer en retour. Dans les contradictions qui me sont propres, je suis bien obligée de dire aussi que j’ai mis plus de 20 ans avant de réussir à tutoyer l’un des collègues avec qui j’ai travaillé quasiment 30 ans !

Dans les milieux associatifs ou politiques que je peux fréquenter, le tutoiement est pour ainsi dire de rigueur partout et ne me choque en rien non plus ; il est, à mon sens, la marque, non pas d’une familiarité, ni d’une intimité réservée aux très proches, mais celle d’une camaraderie, d’une fraternité, tournée vers la réalisation d’objectifs communs. Pour autant, si j’estime avoir le tutoiement plutôt facile, je n’approuve en rien le tutoiement interpellatif, quasi insultant, trop souvent de mise sur les réseaux sociaux. On n’a pas gardé les cochons ensemble ou en tout cas pas les mêmes cochons !